Nucléaire : deux prix Nobel s'inquiètent
- Article par Éric Jousse
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Posted on Sunday 23 April 2006, 01h35 - updated on 23/04/06 - Énergie - Permalink

Honneur au plus ancien : Georges Charpak, français d’origine ukrainienne (Dobrovica), publie un livre que le magazine L’Écologiste n¬∞18 (mars-avril-mai) nous présente :
De Tchernobyl en Tchernobyls - Ed. O. Jacob, 2005
« Georges Charpak, lanceur d’alerte, a été touché par la grâce dans une conversion tardive. S’appuyant sur une déclaration de Hajima Maeda, président de l’Association des exploitants de centrales nucléaires (WANO), publiée dans Nucleonics Weeks d’octobre 2003 et sur l’accident d’avril 2005 dans l’usine de retraitement de Sellafield en Angleterre, l’auteur de De Tchernobyl en Tchernobyls veut montrer que l’industrie électronucléaire ne peut pas se développer dans les conditions d’insécurité actuelles.
« Un mal terrible menace de l’intérieur les établissements des opérateurs nucléaires « a déclaré le président Hajima Maeda,» une négligence dans le maintien d’une culture de sécurité en raison de pressions considérables exercées pour réduire les coûts, comme suite à la déréglementation du marché de l’énergie ». En avril 2005 à Sellafield, 80 m3 d’acide nitrique contenant 20 tonnes d’uranium et 200 kg de plutonium se sont’ écoulés d’un tuyau sans être détectés pendant plusieurs mois. L’incident est passe inaperçu. De façon générale, huit accidents graves se sont produits en Europe ces dernières années, auxquels il faut ajouter des falsifications des données sur la sûreté nucléaire au Japon et à Sellafield.
Bien qu’ils considèrent l’électricité nucléaire comme indispensable pour satisfaire les besoins futurs de pays en voie de développement comme la Chine et l’Inde, les auteurs de l’ouvrage mettent en garde les décideurs sur la nécessité de mieux maîtriser la sécurité des installations et sur l’usage possible des matières nucléaires par les pays ou groupes terroristes. Il s’ensuit un manuel de 568 pages extrêmement documenté (453 références et sites Internet) sur l’état actuel de l’industrie électronucléaire et sur les armes qui lui sont associées. Jean-Pierre Morichaud ».
Recherche : le cri d’alarme d’un prix Nobel
Pierre-Gilles de Gennes lançait un cri d’alarme le 12 Janvier 2006 dans le journal Les Echos et s’inquiétait de l’état de la recherche en France et en profitait pour mettre en cause le choix de se lancer dans le projet fort couteux d’ITER, le réacteur dit de 5ème génération.
Extraits :
« Je trouve que l’on consacre beaucoup trop d’argent à des actions qui n’en valent pas la peine. Exemple, la fusion nucléaire. Les gouvernements européens, de même que Bruxelles, se sont rués sur le réacteur expérimental Iter [NDLR : il sera implanté dans le sud de la France, à Cadarache] sans avoir mené aucune réflexion sérieuse sur l’impact possible de ce gigantesque projet. Quoique grand défenseur des grosses machines communautaires il y a trente ans, et ancien ingénieur du Commissariat à l’énergie atomique (CEA), je n’y crois malheureusement plus, même si j’ai connu les débuts enthousiastes de la fusion dans les années 1960.
Pourquoi ? Un réacteur de fusion, c’est à la fois Superphénix et La Hague au même endroit. Si, avec Superphénix [NDLR : un prototype de surgénérateur, dont l’arrêt a été décidé en 1997], on a réussi à gérer un réacteur à neutrons rapides, ce serait difficile à reproduire sur 100 réacteurs en France - ce qu’exigeraient les besoins électriques nationaux -, car ces installations réclament les meilleurs techniciens pour obtenir un résultat très raffiné dans des conditions de sécurité optimales. Et ce serait littéralement impossible dans le tiers monde.
Sans compter qu’il faudrait reconstruire une usine du type de La Hague autour de chaque réacteur pour pouvoir traiter sur site les matières fissibles extrêmement chaudes, qu’on n’a pas le droit de transporter par voie routière ou ferroviaire. Vous vous rendez compte de l’ampleur d’un tel projet !
Avez-vous d’autres réticences vis-à-vis du réacteur expérimental Iter ?
Oui. L’une repose sur le fait qu’avant de construire un réacteur chimique de 5 tonnes, on doit avoir entièrement compris le fonctionnement d’un réacteur de 500 litres et avoir évalué tous les risques qu’il recèle. Or ce n’est absolument pas comme cela que l’on procède avec le réacteur expérimental Iter. Pourtant, on n’est pas capable d’expliquer totalement l’instabilité des plasmas ni les fuites thermiques des systèmes actuels. On se lance donc dans quelque chose qui, du point de vue d’un ingénieur en génie chimique, est une hérésie. Et puis, j’aurais une dernière objection. Connaissant assez bien les métaux supraconducteurs, je sais qu’ils sont extraordinairement fragiles. Alors, croire que des bobinages supraconducteurs servant à confiner le plasma, soumis à des flux de neutrons rapides comparables à une bombe H, auront la capacité de résister pendant toute la durée de vie d’un tel réacteur (dix à vingt ans), me paraît fou. Le projet Iter a été soutenu par Bruxelles pour des raisons d’image politique, et je trouve que c’est une faute. ».
Et de deux !
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