Une Europe pour la solidarité dans la liberté
- Article par Éric Jousse
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Posted on Friday 04 January 2008, 17h07 - updated on 16/02/12 - Europe - Permalink
Nous sommes à un mois jour pour jour de la réunion du Congrès à Versailles, date à laquelle il sera demandé aux parlementaires, députés et sénateurs tous réunis, de modifier la constitution afin d’autoriser par la suite le vote d’une loi ratifiant le TCE version 2007 ou si l’on préfère, le Traité de Lisbonne. Il y a de bonnes raisons de penser que la modification de la constitution vaudra pour ratification du traité. Il serait en effet très surprenant que les mêmes parlementaires se contredisent d’autant que les deux chambres sont majoritairement de la même famille politique que le président qui leur soumet la procédure.
Cette situation, ce retournement de situation complet même, comparée à celle du 29 mai 2005 au soir qui, tout le monde s’en rappelle, avait opposé un NON catégorique au TCE 2005 porté, en France par une majorité de 54% et une forte participation mais aussi au Pays-Bas, se révèle en contradiction parfaite d’avec le fameux « coup d’arrêt » que de nombreux responsables politiques, syndicaux et associatifs avaient porté après une victoire jugées alors comme historique. L’évidence c’est qu’il n’en est rien….
Quoiqu’on ait pu en dire en effet, les institutions européennes n’ont jamais cessé de fonctionner et la procédure en cours de ratification du Traité de Lisbonne/TCE 2007 reprenant sans jamais faillir le contenu du TCE rejeté - comme nous avons essayé de le démontrer dans un billet précédent - sont la preuve patente que s’il y a eu un coup d’arrêt, c’est au coup d’arrêt lui-même qu’il a été appliqué, c’est à dire à l’acte démocratique le plus direct qu’est un référendum. Ce constat est à la fois celui d’une analyse totalement erronée de la situation, à tel point que de sérieuses questions devront être posées, mais c’est aussi et surtout celui d’un véritable problème opposé au régime républicain et la démocratie du pays.
L’expression selon laquelle il y aurait eu un «coup d’arrêt», sous-entendu définitif, n’a pas été portée par tous les citoyens, militants et responsables qui ont fait la campagne du NON à gauche comme à droite. On pourrait en effet essayer de démontrer que ceux qui, dans le NON dit de gauche notamment, il y avait comme on va le voir d’authentiques pro-européens qui avaient suffisamment d’arguments contre le texte pour le refuser en conscience mais n’avaient en revanche aucune raison de penser à un «coup d’arrêt» encore moins un coup d’arrêt définitif à l’Europe.
Il a été dit en effet maintes fois, fort justement, que le NON comme le OUI étaient composites ce qui rendait difficile la lecture sérieuse des résultats et l’affaiblissait même d’une certaine manière. Le OUI comme le NON étaient composés, dans des proportions variables, de pro de gauche comme de droite et d’anti, souvent nationalistes ou souverainistes, là aussi de droite et de gauche. Ce n’est pas le moment d’en faire la démonstration mais on peut au moins émettre l’hypothèse troublante que c’est bien la composante souverainiste et nationaliste du NON, qui se plaçait alors à gauche mais au fond droitière ou « droitisante », qui a été porteuse du fameux « coup d’arrêt » et du discours totalement erroné sur la situation qui allait de pair.
L’urgence n’est cependant pas là. Puisqu’une certaine conception de l’Europe est en marche et qu’à l’évidence elle cherche à se concrétiser, coûte que coûte, en dépit du refus exprimé par référendum en 2005, il apparaît important aussi de dire, au nom même de la démocratie en train d’être bafouée, qu’au fond il n’y a pas de raison nouvelle et sérieuse d’accepter aujourd’hui un texte refusé malgré un titre et un aspect différent et sur le fond identique. Le contenu est le même et à certains égards il est même aggravé.
Il est important enfin de montrer que tous les arguments notamment de fond contre le TCE de 2005, totalement assumés par des millions de citoyens, n’étaient pas forcément portés, avec des arrière-pensées, contre toute forme d’organisation de l’Europe ou tout simplement anti-europe.
L’extrait du dialogue ci-dessous entre Pascale Fourier, animatrice de l’émission « Des sous… et des hommes », et Raoul-Marc Jennar , en date du 3 mai 2005 intitulée «Europe ou la trahison des élites ?». Vous pouvez écouter ou lire l’intégralité de cette émission disponible sur son site internet.
Nous avons choisi, à dessein, de donner un titre différent à l’extrait que nous vous proposons ci-dessous.
Extraits : Une Europe pour la solidarité dans la liberté
P.F. : Qu’est-ce que vous pouvez me donner comme raison d’être européenne, de me sentir européenne ?Raoul-Marc Jennar : Moi je pense qu’il y a un quelque chose d’important qui est commun aux peuples d’Europe qui n’a rien à voir avec la construction européenne, - ce qu’on appelle la « construction européenne », c’est-à-dire le processus politique qui est en cours depuis 1957 depuis le traité de Rome - et qui relève plutôt d’une vision de société, d’un modèle de société, peut-être même d’une civilisation européenne qui se distingue assez fortement de ce qui se fait Outre-Atlantique comme tout autant fortement sinon davantage encore de ce qui a été tenté dans le modèle soviétique. Et j’ai trouvé ça, moi, dans un travail que j’ai fait sur l’histoire des constitutions en Europe.
C’est en Europe, et nulle part ailleurs dans le monde, qu’au XVIIIème siècle, des gens, de tous Etats, ont formulé deux sortes d’exigences. Tout d’abord, des libertés individuelles : on était sous l’Ancien Régime partout, on était dans un régime despotique qui n’assurait pas les libertés individuelles minimales, donc il y a tout un corpus de libertés que l’on a retrouvé, par exemple, et avec toute la solennité du texte, dans la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789. Mais on a souvent oublié, trop souvent d’ailleurs, qu’en même temps - il suffit de relire (c’est publié) les cahiers de doléances, les fameux cahiers de doléances adressés aux Etats Généraux convoqués par Louis XVI; mais il faut aller aussi en Italie par exemple (l’Italie n’existait pas encore comme telle, mais il y avait des républiques italiennes) ; les Pays-Bas n’existaient pas mais il y a eu un moment une République batave; la Belgique n’existait pas mais il y avait à Liège et en Brabant des mouvements révolutionnaires, en Allemagne aussi - et qu’est-ce qu’on trouve dans tous les textes dont on va retrouver, par exemple, la trace dans la Constitution de l’An I de la République, de la Constitution de 1793 : des droits collectifs. Moi j’ai trouvé dans ces textes, mais je vais le dire dans le français d’aujourd’hui parce que ce n’était pas écrit comme ça, évidemment, maisdes attentes pour assurer le logement, des attentes pour qu’il y ait un salaire minimum garanti, encore une fois ce n’était pas formulé comme ça, mais qu’il y ait une sorte d’assurance, de certitude que, au moins, tous ceux qui travaillent toucheraient un minimum convenu; des attentes pour une sorte de pension de retraite, bref, l’évocation de toute une série de droits sociaux, de droits collectifs. Et ça, pour moi, c’est tout aussi important que les droits individuels, mais c’est la traduction d’un modèle de société parce que les droits collectifs, c’est la solidarité. Pour que ces droits puissent être exercés, il faut des mécanismes par lesquels on mutualiste les coûts, c’est ce qu’on appelle aujourd’hui la redistribution.
Alors c’est ça, pour moi, le projet européen, c’est ça, ce qui fait l’essence de l’Europe. C’est que, depuis 200 ans, on s’emploie à construire un modèle de société où on organise la solidarité dans la liberté.
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