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Relance «PA-PN» : la mission du NPA ?

Interrogé sur la crise financière actuelle, Olivier Besancenot, explique son mécanisme et voit en quoi la « moralisation » du capitalisme est une fausse solution : le capitalisme qu’il soit financier ou industriel ne peut avoir de morale puisqu’il ne sait pas ce qu’est le bien ou le mal. D’ailleurs il s’en moque, nous dit-il, car son problème désormais c’est de vendre sa production et ses surplus.

(*) PA-PN : Pouvoir d’Achat, Pouvoir de Nuire.
Il n’y a pas d’obligation à aggraver la situation.
[mise à jour le 08/11/08]

Licence Creative Commons

Cette analyse introduit parfaitement le point de vue que la LCR se charge de défendre à travers son projet, le Nouveau Parti Anti-capitaliste. Cependant, au bout de l’analyse et à l’heure des propositions, on finit par douter que le NPA ait de réels objectifs anti-capitalistes.

Les raisons pour lesquelles le système dominant déraille «c’est qu’il produit d’abord sans se poser de question et ensuite il essaye d’écouler la production». Or, poursuit-il, «à force de réduire le pouvoir d’achat, à force de licencier, il y a de moins en moins de gens pour consommer». Et fort logiquement, OB en vient à proposer une société qui devra répartir autrement les richesses notamment en s’appuyant sur la reconstruction du champ des services publics (banques incluses, évidemment) qu’il faudrait «socialiser plutôt que nationaliser».

Le NPA, si l’on a bien compris, parce qu’il veut rendre légitimement plus du fruit des richesses produites aux salariés, soutiendrait la consommation par une économie de la relance donc par une revalorisation du pouvoir d’achat. C’est habile politiquement. Mais cette position ne le fâchera avec personne sauf avec la dure réalité.

Ni avec la droite qui va devoir trouver une solution autre que de prôner le retour de la morale pour calmer le jeu des révoltes soulevées par autant d’injustices étalées sous nos yeux. Ce sera d’autant plus compliqué qu’elle devra encore servir les intérêts de ses soutiens objectifs que sont les milieux d’affaires et si elle tient encore à la démocratie !

Ni avec la gauche libérale (ou de droite) dont le crédo est la nécessaire relance de la croissance.

Ni avec ces écolos bon teint qui n’imaginent pas d’autre solution que de passer un bon coup de pinceau de peinture verte sur cette croissance qui devrait aider le capitalisme à devenir moral. Belle synthèse ! Un boulevard pour la liste Cohn-Bendit, Bové, Besset, Joly etc.

Mais ce raisonnement pose une véritable difficulté. Il apparait contradictoire de vouloir un nouvel anti-capitalisme et de proposer une société qui se chargerait de résoudre le problème «fondamental» du moment, c’est à dire d’écouler le surplus de marchandises en relançant la consommation du «gaspillage», comme le reconnait d’ailleurs OB lorsqu’il se sent obligé de verdir le propos. La différence entre l’offre politique de l’UMP et du NPA, c’est que la première veut (voulait ?) en passer par l’endettement au risque de l’explosion du surendettement (|N!| Dossier > Travailler plus pour rembourser plus) alors que le second prône le SMIC à 1500 euros brut, tout de suite. Elle n’est pas mince, mais est-elle pour autant adaptée et à la mesure de la situation quand l’on considère la récession présente ? Partant, qu’adviendra cette meilleure répartition des richesses si la dépression annoncée advient elle aussi, de surcroit si elle est renforcée par une pénurie des matières de première nécessité pour la survie du système mais aussi pour l’humanité ?

Cette verrue réflexive installée au sein d’une analyse que l’on est prêt à partager ne tient pas compte du vrai problème qui s’avèrera au fondement même de la crise systémique globale (financière, sociale, écologique, alimentaire, géopolitique, démocratique) qui avance à grand pas vers un point de non retour historique. Le capitalisme de l’après guerre est certes une bête immonde bien plus étrangère à la démocratie que ne le répétait de manière obsessionnelle M. Woerth, actuel ministre du Budget, dimanche sur un plateau de télé. Mais le réel problème c’est son idée fixe d’une productivité dévoreuse d’humanité et de ressources naturelles non renouvelables.

L’analyse comme les propositions du NPA s’évertuent à ne pas tenir compte de la raréfaction des matières fossiles qui engendre déjà de multiples conflits (pour l’eau, le pétrole, les minerais, les céréales, etc) ainsi que ses corollaires, le dérèglement climatique et l’effondrement de la biodiversité. Cette autre crise systémique, plus écologique qu’économique cette fois, est aussi une condition de possibilité de la production. Elle ne peut trouver de véritable solution dans un soutien conséquent au productivisme par la relance de la croissance faite d’un surcroit de consommation de biens mais aussi de services. Ces derniers ne consomment-ils pas des véhicules, de l’énergie, du papier, etc ? Et la dématérialisation de l’économie, n’est-elle pas plutôt une numérisation induisant une informatisation de l’économie donc une matérialisation autrement ?
Quid de la décarbonisation de l’automobile laissant entendre qu’elle est possible pour ce secteur comme de l’économie en général ? Sait-on assez qu’il faut 4000 litres d’eau pour construire un exemplaire de nos chères bagnoles ? Qu’en penser même et surtout si on en change le mode de propulsion (la fameuse motorisation) pour l’électricité donc, en France au moins, pour le nucléaire? Qui va croire, depuis un été 2008 sous le signe alarmant et criminel des rejets à Tricastin, que la filière prise dans sa globalité ne produit aucun déchets y compris des gaz à effet de serre dont le dioxyde de carbone et la vapeur d’eau ? C’est pourtant bien de cela dont on veut nous convaincre si les mots ont encore un sens. Dé-carboné valant pour écologique et bientôt pour «bio», histoire de faire bonne mesure. A quand la voiture 100% recyclable, équitable, arborant un label AB nécessairement dégradé ? Ainsi, avec une croissance et une économie dîtes verte, couleur de l’espoir s’il en est, de nouveaux «territoires» apparaissant comme autant de promesses de croissance, tout redeviendrait possible. A nouveau les échéances et les limites seraient repoussées. Business as usual… The show must go on !

Pourtant, nous n’avons qu’une planète et, d’après le rapport 2008 du WWF, la France excède de 62% ses capacités biologiques. Autrement dit, ce soutien par la relance de la consommation équivaudrait, n’ayons plus peur de le dire, à signer l’arrêt de mort prématurée de millions de terriens (cf. la théorie du bac à sable). L’évidence apparait si l’on veut bien tenir compte de la vitesse à laquelle le climat se réchauffe et de l’effondrement de la biodiversité en cours. La décennie qui vient sera décisive. Tout se tient, c’est ce que veut dire «systémique» [1]. Tout s’emballe, c’est ce que veut dire «crise». En conséquence, non seulement nous devons faire vite, mais avant nous devons surtout voir juste !

La relance de la consommation, fut-elle «écologisée», verdie ou mieux, «Gore» du nom du néocapitalisme que les états-uniens de l’après élection nous promettent, ne soulagera pas la pression sur les ressources non renouvelables, bien au contraire. Elle la relancera dangereusement du fait de la bonne conscience que l’on mettra à consommer donc à produire !

Disons à Olivier Besancenot et au NPA que la proposition qu’il faudrait faire c’est celle d’un Nouveau Parti Anti-productiviste ou, si l’on préfère, la reprise en main citoyenne et non partisane du cours de l’histoire pour et par le contrôle d’une économie décentralisée qui puisse garantir à tous, le gîte et le couvert, peu énergivore et bio… bien entendu.

Une question cardinale à laquelle il faudra bien répondre nous est désormais posée sous le sceau d’une nouvelle crise du siècle : comment allons-nous mieux répartir moins de richesse ? Cette question est posée à toutes les composantes de l’humanité. C’est un défi lancé à la démocratie, à l’économie, à l’écologie politique et qui mettra à rude épreuve les solidarités.

Notes :


[1]  «Ces crises résultent des défaillances de marché, à savoir la non-prise en compte, dans le calcul économique, de ce que les économistes appellent les «externalités».
(…)
Ces externalités peuvent être considérables dans le cas des institutions financières. L’activité de ces sociétés consiste à prendre des risques. Une institution bien gérée, comme Goldman et Sachs, va prendre en compte dans son calcul le risque qu’elle doit assumer. Mais uniquement ce risque, et c’est là le point clé. Son calcul ne prendra pas en compte le risque que le système financier devrait supporter si Goldman et Sachs devait éponger de lourdes pertes. En conséquence, les risques sont sous-évalués et le volume des risques pris est plus important que si on était dans un système fonctionnant de façon efficiente et prenant en compte l’ensemble des conséquences de ces prises de risque.
La conséquence de cette sous-évaluation des risques, c’est que les crises deviennent plus fréquentes et gagnent en intensité à mesure que le champ et la variété des opérations financières se développent.» - «Noam Chomsky dissèque la crise» - Siné Hebdo n¬∞9 du 05/11/08, page 9



Références :

  1. La théorie du bac à sable se confirme par Christian Laborde - 18 juillet 2008 - c.lab.over-blog.com
  2. Yves Cochet prend date à l’Assemblee Nationale - 14 octobre 2008 - Dossier |N!|
  3. Le FMI appelle à la relance contre une récession historique - 6 novembre 2008 17:40  - L’Expansion.com
  4. Le renforcement du système par Jean Zin, 11 novembre 2008 - jeanzin.fr

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Éric Jousse

Author: Éric Jousse

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