Lettre ouverte à l'association Vivagora
- Article par Thierry Sallantin
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Posted on Thursday 11 October 2012, 00h00 - Lettres ouvertes - Permalink
Vivagora organise la journée étudiante « niquer la vie ou génération bionique » le 29 novembre prochain, juste avant « Les Assises du vivant » à l’Unesco le vendredi 30 novembre 2012
Je fais partie du Groupe Ile de France de l’association Technologos qui espère revigorer l’esprit subversif qui animait Jacques Ellul, Bernard Charbonneau, François Partant et Ivan Illich. Par exemple nous ne sommes ni technophiles ni technophobes car le débat n’a pas a être ridiculisé en le limitant à je ne sais quelle supposée pulsion psycho-pathologique.
Par contre, nous sommes vigilants en tant que technocritiques, sur des bases de réflexions diachroniques et synchroniques qui ne se limitent pas à la seule culture occidentale, ni aux seules sociétés-à-États.
Nous ne sommes donc pas des «technonaïfs» et restons perplexes fasse à l’aveu de néophilie de Vivagora qui semble “instinctivement”, donc par un mystérieux tropisme automatique, un impensé, choisir l’adoration du mot «innovation» par exemple avec cette formule : «Vivagora, mettre en culture l’innovation».
Nous appelons cela : tomber dans le piège de l’historicisation occidentalocentrée,
un préjugé hélas très répandu chez les naïfs, étymologiquement les “non-nés”, donc pas encore aguerris aux arts de la réflexion : cette exigence de l’effort intellectuel qui impose de “fléchir” plutôt deux fois qu’une (RE - fléchir) afin de penser le plus profondément possible, et d’être de ce fait digne de la mammiférité et du record d’équipement cérébral dont est doté notre espèce simienne, sans commune mesure avec l’équipement de nos plus proches cousins, les bonobos et les chimpanzés, choix original d’endo-outillage (cerveau suréquipé de neurones) unique dans le monde du Vivant qui nous donne une capacité exceptionnelle d’exo-outillage (Leroi-Gourhan), et donc une plasticité de polyvalence sans commune mesure avec ce que permettait jusque là la seule évolution darwinienne limitée au morpho-outillage, la forme de l’animal lui donnant sa place dans tel ou tel biotope ou tel ou tel rôle dans la chaîne alimentaire.
Plasticité qui ajoute à la vitesse habituelle des modifications par le jeu de la génétique et de la sélection/mutation, la vitesse bien plus grande de la transmission culturelle, par éducation de la descendance.
Plasticité pour le meilleur et pour le pire, car cette vitesse permet aussi d’engager certains groupes humains dans des impasses létales, dans la précipitation de l’irréflexion, et l’obéissance à des tropismes psychopathologiques, comme l’oubli fatal de brider et freiner la « démesure », l’« hubris », et de sombrer dans l’excitation immature pour la richesse et la puissance, cette démesure-là n’ayant pas encore été jugulée depuis ces tous derniers milliers d’années.
Démesure qui devient de plus en plus mortelle car capable de s’équiper d’outils non réfléchis, imposés par une minorité folle, et susceptible d’anéantir par exemple toute la vie animale dans la tranche des êtres vivants de plus de 1 kg.
Du fait de l’occidentalisation, la biomasse du seul mammifère humain pèse à elle seule le poids de 90% de la biomasse de toutes les espèces de mammifères.
Donc pour l’ensemble des milliers d’espèces de mammifères (hormis, en poids, les humains et leurs animaux enfermés en élevages industriels) il ne reste que 10 % de la biomasse à se partager ! Quel est l’équité d’un tel monopole ahurissant !
De quel droit s’arroger la décision de procéder à la Sixième extinction massive des espèces vivantes ?
Si la moyenne mondiale d’élévation de température atteint au cours de ce siècle les trois degrés, la vitesse de déplacement vers les zones viables pour les végétaux ayant à migrer vers les biotopes qui leur sont climatiquement adaptés n’existe pas dans le monde végétal : elle devrait être de 500 km par siècle. Or les végétaux ne peuvent se déplacer, selon les espèces et les modes de «chories» (hydrochorie, zoochorie, etc…) que de 4Km par siècle à 200 km par siècle !
Donc nous sommes entrain de foncer droit dans le mur d’un suicidaire biocide mondial, car les végétaux sont la base de l’immense majorité des chaînes alimentaires.
Oui, la vie ne disparaîtra pas totalement. Certains insectes, des bactéries et autres microorganismes pourront s’adapter, et il existe des écosystèmes qui sont organisés en totale indépendance de la photosynthèse, auprès de sources thermiques profondes, ou dans certaines grottes coupées de l’extérieur…
Quel gâchis ce serait d’en arriver là !
Le temps n’est-il pas venu d’entrer en virulente résistance pour combattre frontalement la folie des grandeurs des immatures de l’ artificialisation, qui ne jouissent que de l’état de leur compte en banque, ou des «succès» de leur État en n’utilisant que le critère étriqué de la «puissance» et de la «richesse» !
Il me semble que Vivagora est largement en dessous du niveau de réflexion requis pour contrer la formidable offensive des artificialisateurs qui en sont encore au rêve démiurgique de Descartes et Bacon : démonter la nature en ses composants les plus ultimes pour jouer à bricoler un remontage censé adapté aux « exigences » (?!) de la rentabilité, de la compétitivité et de la productivité.
Comme si Vivagora se contentait, au lieu d’être un lieu de profonde réflexion, de ne faire que de l’accompagnement de l’existant, cédant aux dernières modes et derniers enfantillages des gamins que sont les «chercheurs» qui ne comprennent même pas à quoi ils jouent dans leur laboratoire, ne voyant pas plus loin que le bout de leur nez du fait de leur «formation» (déformation) ultra spécialisée et de leur parcours scolaire et universitaire qui les enfonce dans l’obéissance à leurs financeurs plutôt qu’à l’art de vraiment réfléchir, avec tout ce que cela suppose d’ouverture dynamisée par une immense culture générale et d’art de prendre un recul critique systématique, et donc le temps de la réflexion, ce qui n’est pas le temps des exigences infantiles des industriels comme des États.
Vivagora est-il en état de prouver que ses deux financeurs pour ces «Assises du vivant» fin novembre 2012, un ministère et cet étrange organisme qu’est le G.N.I.S. n’entraîne pas ipso facto une limitation de la liberté de réflexion, une désignation de certains «experts» qui plaisent à ces financeurs, parce que leur attitude servile vis-à-vis par exemple des lobbies en faveur des O.G.M est connue, et a contrario que des personnalités connues pour leur indépendance d’esprit et leur refus de céder aux modes industrialistes seront discrètement écartées de ces Assises ! ?
À l’heure où la situation sur cette petite et fragile biosphère pour laquelle, en septembre 1968, l’Unesco avait eu l’honneur de réunir pour la première fois les scientifiques les plus aguerris du monde entier pour tirer la sonnette d’alarme (j’étais là ! ), à l’heure où cette situation se confirme comme étant exceptionnellement grave ! ne faudrait-il pas avant tout ré-ouvrir l’espace de la libre réflexion, en sortant de l’attitude molle du simple «accompagnement» d’une prétendue «réalité» (dictée par les industriels et leurs serviteurs, les chercheurs qui en obtiennent des financements : il faudra éplucher un à un les conflits d’intérêts, et le “background” des personnes choisies par les organisateurs de ces Assises !-)
Et à l’inverse, enfin, ouvrir les nouvelles pistes revigorantes de la critique pour mettre enfin le coup de frein brutal qui s’impose pour éviter au dernier moment ce que les anglo-saxons nomment le «collapse» de toute la civilisation, et se servir de l’immense capacité potentielle de nos synapses pour enfin penser vraiment. Rester dans la paresseuse servilité n’est pas un signe d’intelligence. Si notre espèce est vraiment auto dénommable comme homo sapiens sapiens, Vivagora pourrait être facilitateur de l’expression de cette sagesse, et ne plus jamais prêter le flanc aux accusations peu aimables de personnes qui ne voient dans cet organisme qu’un valet au seul service des délires scientistes, donc une rechute dans ce que craignait le Siècle des Lumières : un retour à l’obscurantisme et aux superstitions !
La balle est dans le camp de Vivagora pour prouver :
- par la qualité des penseurs conviés à réfléchir et dynamiser la sagacité de l’auditoire (dont on appréciera le large temps de parole qui sera donné aux intervenants imprévus qui se lèveront de la salle et seront invités à s’exprimer en haut de la tribune, au même titre que les personnes qui ont leur nom déjà indiqué sur le programme : la liberté, clé de l’intelligence, doit prendre le risque de la surprise, et seuls des industriels pourraient y voir une menace à leur ligne étroitement balisée !),
- par l’audace des penseurs réputés pour leur esprit contestataire et leur indépendance d’esprit, surtout vis-à-vis des organismes connus pour leur proximité avec le monde des affaires dans l’agroalimentaire notamment ;
- par sa volonté de sortir l’humanité de l’impasse dans laquelle elle se fourvoie depuis que le délire de la démesure s’est implanté il y a quelques millénaires en plusieurs centres appelés , peut-être un peu trop précipitamment, par étourderie ou par orgueil occidentalocentré, «de civilisation» !
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