De la responsabilité et de la culpabilité
- Article par Netoyens.info
- |
- Comments (0)
- |
- Attachments ()
- |
- RSS Feed
Posted on Tuesday 12 February 2008, 14h17 - updated on 12/03/13 - Bon à savoir - Permalink
“Responsable mais pas coupable” avait déclaré Georgina Dufoix, ancienne ministre des Affaires sociales en 1999. Elle comparaissait devant la Cours de justice de la République pour homicide involontaire dans le procès du sang contaminé et elle a provoqué à tort l’indignation.
Ces jours-ci s’ouvre le procès de l’hormone de croissance qui soulève lui aussi une émotion considérable. 109 jeunes gens qui n’étaient atteints d’aucune maladie mais seulement affectés par leur petite taille sont morts de l’atroce maladie de Creutzfeldt-Jacob dûe, comme la maladie de la Vache folle, à un prion qui entraîne une dégénérescence implacable du système nerveux central. Cette maladie mortelle, incurable à ce jour, dont la période d’incubation peut durer des dizaines d’années, reste une épée de Damoclès pour des centaines de jeunes qui ont reçu de l’hormone de croissance d’origine humaine entre 1983 et 1986 sans qu’ils puissent savoir si le produit reçu était contaminé.
Devant un tel désastre et après une instruction qui a duré huit ans, le procès des sept inculpés à qui il est reproché d’avoir - entre 80 et 86 par négligence ou imprudence - involontairement et indirectement causé la mort, devra déterminer leur responsabilité et leur éventuelle culpabilité.
C’est une occasion de s’interroger sur les termes de responsabilité et de culpabilité.
En lisant les articles qui rendent compte de l’ouverture du procès on éprouve déjà un malaise. Comment des médecins par la voix de leurs avocats peuvent-ils prétendre qu’ils ne sont pas responsables ? Qu’on me comprenne bien. Je ne plaide pas. Je ne défends ni n’accuse personne. J’essaie juste de comprendre. Et puisqu’il s’agit d’un procès, commençons par le droit.
Le droit de la responsabilité a subit une évolution qui n’est pas forcément connue. À l’origine, dans le Code civil, il n’y avait pas de responsabilité sans faute. Puis le législateur s’est efforcé de dissocier la responsabilité de la culpabilité. On peut en effet être reconnu responsable d’un dommage ce qui ouvre la voie de l’indemnisation pour la victime par un tribunal civil. La culpabilité, elle, est reconnue au terme d’un procès pénal si et seulement si il y eu une faute.
Dans l’affaire qui nous occupe, l’État, sans attendre le procès, a reconnu sa responsabilité en procédant à l’indemnisation de la famille des victimes. On est donc atterrés que les médecins n’endossent pas une responsabilité morale cette fois. Ne pas assumer leur part de responsabilité signifie qu’ils n’ont pas pris conscience rétrospectivement des conséquences de leurs actes. Ça nous choque car la responsabilité est inhérente à la profession médicale. Elle consiste principalement à réduire les facteurs de risque.
Qu’en est-il de la culpabilité ? En droit cette notion est claire. On est coupable quand on a commis une faute. Et c’est seulement à l’issue du procès qu’on saura qui est coupable et de quoi. Mais le verdict ne renseigne pas sur le sentiment de culpabilité que les uns ou les autres pourraient éprouver. Convenons que ce n’est pas du registre du droit encore que l’expression des regrets et des remords, lorsqu’elle est sincère, peut influer sur le verdict.
Mais si en droit responsabilité et culpabilité sont disjoints, ce n’est pas le droit qui gouverne nos pensées. Quand une catastrophe survient on cherche un responsable pour trouver un coupable qui donnerait un sens au malheur. Dans cette logique les prévenus, quoiqu’ils aient fait, ne sont jamais à la hauteur des espérances des familles des victimes. Souhaitons donc que justice soit faite, ni plus, ni moins.
Source :
France Culture, Les matins du mardi 12 février 20087h25 : La chronique de Caroline Eliacheff
Responsable et coupable
Document(s) attaché(s) :
-
no attachment