Last site update 17/09/2021

To content | To menu | To search

Comment clouer enfin le bec de votre beau-frère pro-nucléaire !

Si vous n’aimez pas le nucléaire, vous avez forcément été interpelé quelques milliers de fois (au minimum) sur le thème : « C’est bien joli d’être contre l’atome mais, si vous arrêtez les centrales, par quoi allez-vous les remplacer ? »

Cette question récurrente est généralement posée, ou plutôt assénée, par un nucléocrate tout fier de rabattre le caquet d’un de ces « crétins d’écolos ». Le génie gaulois (et gaullien) dans toute sa splendeur. Et force est de reconnaître qu’il n’est pas si facile de répondre de façon convaincante à l’interpellation :

  • si l’on avance les économies d’énergie et le développement des énergies renouvelables, on reçoit en retour des sarcasmes ou, au mieux, une indulgente approbation… pour 2040 ou 2050 !
  • si l’on ose suggérer la remise en service de centrales thermiques (gaz, charbon, fuel), on se fait immédiatement traiter de criminel, coupable de vouloir aggraver le réchauffement climatique. Ce dernier se porte pourtant très bien malgré 400 réacteurs atomiques sur Terre, mais cette évidence n’est pas encore arrivée jusqu’au neurone du pro-nucléaire de service.

Et bien sachez que, désormais, vous allez pouvoir fièrement afficher vos convictions antinucléaires sans craindre de vous faire clouer le bec par votre crétin de beau-frère ou votre imbécile de voisin. Pourtant, la réponse à la fameuse question reste toujours aussi compliquée dans un pays où 75 % de l’électricité est nucléaire, où tout le système électrique est bâti sur le principe de l’ultracentralisation, et où aucune alternative n’a bien entendu été préparée.

Voici, offerte gracieusement par votre chroniqueur, la lumineuse solution de ce mystère : désormais, vous pouvez fièrement… retourner la question à son envoyeur ! Par exemple ainsi :

« Vous faîtes bien de poser la question mon cher, mais… c’est vous qui devez y répondre ! En effet, sur vos 58 réacteurs actuellement en service, la plupart arrivent en fin de vie. Vous pouvez certes tabler sur des prolongations de durée de vie – l’Autorité de sûreté, prétendue “indépendante” et “intransigeante”, les accorde toutes sans rechigner – mais vous ne pouvez ainsi que gagner quelques années, c’est-à-dire presque rien lorsqu’on parle de politique énergétique.
Et, par ailleurs, vous vous révélez incapable de construire un seul nouveau réacteur, le fameux EPR de Flamanville : comment pourriez-vous donc en construire des dizaines pour remplacer tous ceux qui vont fermer ? Sans parler du financement d’un nouveau parc nucléaire : le hold-up réalisé par votre cher lobby nucléaire au début des années 1970 – s’accaparer des centaines de milliards pour faire des centrales – ne peut être renouvelé aujourd’hui alors que les caisses sont vides.
Alors oui, la question se pose sérieusement : d’ici 10 ou 15 ans, et peut être bien plus tôt que cela, la production d’électricité nucléaire va s’effondrer, alors qu’avez-vous prévu, vous, les adorateurs de l’atome ? Par quoi allez-vous remplacer les centrales nucléaires ? »

Fermer les réacteurs avant qu’ils n’explosent

Bien entendu, le gugusse tentera de réutiliser les arguments éculés que vous aurez pourtant pris soin de déminer : « On peut prolonger la durée de vie des centrales actuelles. » Mais, alors que les médias traitent encore de la possibilité d’aller au-delà de 30 ans, on oublie un peu vite que Fessenheim a déjà 38 ans, Bugey 37 ans, Dampierre, Gravelines et Tricastin 35 ans, Le Blayais et Saint-Laurent 34 ans, etc.

EDF vient certes de se lancer dans un laborieux programme de rafistolage pompeusement appelé « grand carénage », mais il coûte bien plus cher que prévu – comme toujours dans le nucléaire – et ne saurait transformer de vieilles centrales en bijoux flambants neufs !

La vérité est que EDF va devoir se résoudre à fermer de nombreux réacteurs dans les années à venir et que ce ne sera aucunement le résultat d’un quelconque courage politique (cf. les reniements de M. Hollande par rapport à Fessenheim). Il faut juste espérer que ces décisions seront prises avant la catastrophe, et non juste après comme au Japon…

Votre interlocuteur s’aventurera peut-être sur le terrain de la construction de nouveaux réacteurs nucléaires. Il vous sera alors très facile – en veillant à ne pas vous étouffer de rire – de lister les innombrables retards, surcoûts et malfaçons qui jalonnent la vie du chantier EPR de Flamanville (bravo EDF !) et de celui de Finlande (chapeau Areva !).

La cerise sur le gâteau étant l’affaire des cuves des EPR, loupées par Areva mais néanmoins installées dans les réacteurs, probablement pour voir si elles explosent ou non… si jamais ces réacteurs entrent un jour en service.

Finalement, votre contradicteur finira peut-être par proposer… de faire des économies d’énergie ou de développer les énergies renouvelables. Voire même de relancer des centrales thermiques : de toute façon, les pro-nucléaires sont des pollueurs et n’ont que faire du réchauffement climatique et de l’environnement en général : ils n’en parlent que pour tenter de promouvoir l’atome.

Voici enfin notre pronostic : les lignes THT qui permettent actuellement à la France atomique d’exporter ses surplus (sauf en hiver lorsque le chauffage électrique met l’Hexagone en déficit de courant !) seront d’un grand secours pour importer massivement de l’électricité. En espérant que nos voisins en aient assez pour nous sauver de la pénurie…


Document(s) attaché(s) :

  1. no attachment




Stéphane Lhomme

Author: Stéphane Lhomme

Stay in touch with the latest news and subscribe to the RSS Feed about this category

Comments (1)

cécile (à Limoges) cécile (à Limoges) ·  17 December 2015, 07h37

Ayant très modestement trempé dans la radioprotection (pour les besoins réglementaires de la recherche en biologie), et traîné mes modestes guêtres sur le site rpcirkus (qui aime bien l’ASN et qui a un peu tort, effectivement), je n’aurai qu’un commentaire à votre argumentaire socratique :
Il est imparable … malheureusement !


You might also like

EPR-consomme-milliards.jpg, mar. 2020

EPR : le gouvernement profite de la crise du Coronavirus pour accorder quatre ans de plus à EDF

Un décret publié au Journal officiel accorde un nouveau délai à EDF pour tenter de mettre en service le réacteur maudit en chantier à Flamanville depuis 2008

Continue reading

Fukushima-ruban_jaune-Seegan.jpg

Énergie : «Il faut que tout change pour que rien ne change»

Ces derniers mois, les noms d’Orano, Enedis et Engie ont respectivement remplacé les marques Areva, ErDF et GDF-Suez, ringardes ou déconsidérées. On ne peut que penser à la célèbre réplique “Il faut que tout change pour que rien ne change” de Tancrède dans le roman “Le Guépard”, popularisé par Luchino Visconti dans le film éponyme sorti en 1963.

Continue reading