L’Unité, combien de divisions ? par Geneviève Confort-Sabathé
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Posted on Wednesday 25 February 2009, 18h45 - updated on 16/02/12 - Édito - Permalink
Ex-militante du PCF (un an)
Ex-co- porte-parole des CUALS de l’Hérault
Ex-militante du PG (une semaine)
Militante sans parti…
Il fut un temps où la gauche intellectuelle française feignait de s’interroger, non sans causticité, autour d’une formule fameuse qui opposait Sartre à Aron. Les exégètes du premier n’y allaient pas de main morte, préférant, à tout prendre, « avoir tort avec Sartre plutôt que raison avec Aron ». Le débat n’était guère animé car la gauche intellectuelle française était sartrienne par nature. Terrassé par cette formule lapidaire, Aron avait-il raison pour autant ? Voilà bien une question que nul ne se posait puisque le questionnement manichéen impliquait un engagement indéfectible et quasi religieux pour le charismatique bigleux.
Quelque quarante ans plus tard, la gauche intellectuelle française, éparpillée en multiples chapelles, reprend l’antienne, postulant le même engagement indéfectible et quasi religieux pour l’U-NI-TE, évitant, par là même, de se poser la question de l’opportunité de participer à des élections sans enjeu.
« Plutôt avoir tort avec les Unitaires que raison avec les Diviseurs… Voire !»
La grande nouveauté est, qu’en France, le débat politique s’est déporté sur la gauche radicale. L’autre, la social-démocrate, semble sous assistance respiratoire. Le rose pâle se porte livide.
La gauche intellectuelle radicale, désormais seule garante des lendemains qui chantent, se déchire entre Unitaires sans condition, Unitaires sous condition, Diviseurs contraints et Diviseurs contrits. Les observateurs médiatiques rejettent, classiquement, la responsabilité du désastre prévisible aux élections européennes sur ceux qui refusent la « main tendue ».
La politique de la « main tendue » n’en demeure pas moins d’une grande subtilité. Qu’on en juge : « Un parti enfançon (le PG) tend la main à un parti sénescent (le PCF) qui s’empresse de l’agripper tout en refusant de tendre l’autre à un parti adulescent (le NPA), lequel prétexte une arthrose de certaines de ses phalanges pour éviter de sortir les mains qu’il a pitonnées aux poches. Agrippés aux jambes des trois champions, des alternatifs verts, rouges et multicolores, des objecteurs de croissance, des communistes unitaires et des libertaires fédérés ou pas, des syndicalistes en rupture de centrale, tirent à hue et à dia».
Jamais une élection n’a été plus accessible à la gauche radicale, jamais un piège n’a été mieux tendu. Personne ne s’interroge sur l’opportunité d’envoyer une minuscule flottille de députés au parlement européen, un parlement pourtant sans pouvoir, un « parlement croupion », véritable alibi de la Commission européenne omnipuissante. Un parlement dont le seul droit est de murmurer NON lorsqu’une loi hideuse lui passe sous les yeux. Veto dont il n’a usé que quatre fois en quarante ans (Bolkenstein, mon amour !). Quant à proposer et défendre un projet de loi, ses statuts ne le lui permettent pas.
Voilà un débat qui permettrait peut-être de réaliser l’U-NI-TE autour d’un boycott à la mesure de cette immense escroquerie. Seulement, il faudrait renoncer aux espèces sonnantes et trébuchantes qui accompagnent de leur doux chant toute participation réussie à une élection. Voilà pourquoi certains partis naissants, renaissants ou semi-exsangues poussent à l’U-NI-TE à fond la caisse, ou plutôt à fond le tiroir-caisse.
Il n’en reste pas moins que le débat sur l’U-NI-TE, la faire ou pas, et avec qui, n’est pas à négliger car il (re)pose la question du vote utile. « Tous ensemble, Tous ensemble… derrière le PS », pourrait bien devenir « Tous ensemble, Tous ensemble… faisons l’U-NI-TE ! »
Poser la question de l’unité avant celle de l’opportunité de participer, c’est comme demander à un enfant de prendre son vélo et pédaler sans lui indiquer le but du voyage. L’instrumentalisation de l’urgence sociale et écologique ressemble furieusement à une fuite en avant, comme l’enfant condamné à pédaler pour éviter de tomber, nous serions condamnés à faire l’U-NI-TE pour éviter une embardée populaire, une de ses révoltes qui finit en révolution. Il suffit d’écouter les élites politiques de la gauche radicale ou du syndicalisme d’accompagnement, elles crèvent de peur. Une peur viscérale du peuple et de ses débordements.
Pour les Unitaires sans condition (emmenés par les dirigeants du PG), la politique de la « main tendue » confine à l’axiome, toute vérité qui ne s’y réfère est frappée d’anathème. Il me paraît essentiel, au contraire, de la poser comme simple hypothèse d’école nécessitant, au moins, le temps de la réflexion. L’agitation médiatique faite autour de ce concept de mauvaise propagande semble destinée à justifier l’échec éventuel du cartel des gauches radicales et à désigner, a priori, des boucs émissaires (le NPA voire les alternatifs rétifs). La mayonnaise est en train de prendre. Il suffit de lire les éditos, plus personne ne se demande ce que la gauche radicale va faire dans cette galère euro-compatible avec le traité de Lisbonne. Les éditos s’emploient à culpabiliser les Diviseurs.
Pour les Unitaires sous condition, la politique de la « main tendue » s’apparente à la politique de la claque dans la gueule. Beaucoup moins polie mais sans ambiguïté. La direction du PCF ne veut ni de la Fédération, ni du NPA mais elle tend la main à la CNCU, sombre émanation de la gigantesque OPA du PCF sur les CUALS. Lors du meeting fondateur du Front de Gauche à Frontignan (Hérault), les CUALS avaient délégué, à la tribune, une jeune fille sans étiquette visible, pourtant c’est un communiste qui représente les CUALS de l’Hérault lors des discussions du lundi qui regroupent les « partenaires » de l’attelage électoral. Des réunions où les communistes font la pluie et le beau temps. Histoire de vérifier mes inquiétudes, j’ai même adhéré au PG pendant une semaine (60 euros de ma poche), le temps d’y découvrir des pratiques antidémocratiques affolantes. Les porte-parole départementaux et la candidate de l’Hérault pour les élections européennes y ont été désignés par le fait du prince (le représentant départemental du PG) et ensuite présentés, sur le site officiel, comme ayant été élus à la majorité (pour les porte-parole) et à l’unanimité (pour la candidate) ! J’ai assisté à ces basses manœuvres avant de « démissionner » sans fracas médiatique
Pendant que les Unitaires jouent la montre, les Diviseurs contraints jouent le « tchat » et Olivier B. s’invite en « facteur réseau ». Fi des partis opportunistes, vive le réseau, tous les réseaux ! Ecumant la Toile, l’élite révolutionnaire du NPA a pour mission de ringardiser les Unitaires, les présentant au mieux comme des pro-nucléaires honteux, au pire comme des supplétifs du PS, chargés de « fixer » les électeurs, dès le premier tour des élections régionales et nationales à venir. Pour réussir son travail de sape, le NPA utilise des intellectuels qui s’affrontent, par courriels policés, sous le regard las d’un public décontenancé. Pendant ce temps, les néo-militants rongent leur frein en espérant que les statuts du NPA qui prévoient la mise en place d’une large plate-forme de porte-parole les libèrent enfin de l’omniprésence médiatique d’Olivier B.
Quant aux Diviseurs contrits, ils appartiennent à des réseaux citoyens fortement courtisés par les stratèges du NPA. Longtemps relégués au militantisme souterrain, symbolisé par la stratégie de la guérilla pacifiste, ces réseaux sortent de l’ombre. Si les soutiers affichent l’air contrit de ceux qui seraient bien restés dans l’anonymat des campagnes, leurs chefaillons, alléchés par des places (pourtant bien peu nombreuses) se pourlèchent les babines. Le NPA semble avoir jeté son dévolu sur ces groupes informels, riches de milliers de militants purs et actifs. Certains réseaux sont sur le point d’imploser, celui des Objecteurs de Croissance ressemble à un arbre foudroyé. Ecartelé, ce réseau fort d’imaginaires collectifs et d’utopies créatrices auquel j’envisageais d’adhérer voit, depuis plusieurs semaines, ses chefs s’insulter sur la Toile. Certains caporaux envisagent même une (més)alliance avec l’ex-chantre de Génération Ecologie pour pouvoir s’asseoir à la table de l’Europe. Il paraît que la soupe y est bonne.
Cette longue dissertation poursuit deux buts :
- Appeler tous les militants des partis concernés mais aussi tous les citoyens engagés dans des réseaux de résistance, à se mobiliser pour que s’ébauche un vrai débat sur l’utilité d’épuiser nos forces militantes pour envoyer quelques représentants au parlement européen. La recherche de l’U-NI-TE n’a de sens que si elle produit du bonheur, de l’utopie, de l’espoir.
- Se réapproprier le mouvement social, aujourd’hui confisqué par les syndicats majoritaires. La grève générale reconductible est notre seule chance d’imposer un vrai bouleversement. Les élections européennes sont une illusion, les grèves générales ont changé la donne en Amérique latine, provoqué la démission du gouvernement en Islande et menacent l’empire béké dans les territoires d’Outre-Mer.
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