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Avis de régression générale

À chaque année qui passe les espoirs d’une « mondialisation heureuse » s’éloignent. Certes, seuls les hommes les plus naïfs et ceux qui avaient intérêt à leur faire croire à cette fable grossière usaient ces dernières années de cet adjectif collé à un processus mortifère puisque orchestré par « les nouveaux maîtres du monde » contre les « multitudes ». Partout, les possesseurs du capital exploitent de manière éhontée puis jettent sans vergogne des « flux » de main-d’œuvre qui viennent alors grossir les rangs des outsiders. Partout, une économie de dévoration ravage les écosystèmes pour nourrir en « ressources » épuisables la méga-machine dont les rejets nocifs sont, de plus, impossibles à contenir désormais. Partout, les fractures sociales et écologiques poussent des pans entiers des sociétés humaines vers le désespoir. Sur ce terreau fertile des hommes et des femmes se prétendant de bonne volonté se font élire pour diriger à leur tour le système qui les a si bien servi jusqu’alors. Ils ne feront ensuite qu’aggraver le sort des plus humbles et renforcer celui des nantis car telle est la loi du capitalisme débridé dont ils ne songeront surtout pas à inverser le sens profond.

La mondialisation pourrait ne pas être malheureuse. Pour ce faire il faudrait qu’elle soit conduite autrement que par la domination exorbitante des firmes transnationales dont le capital est de plus en plus concentré dans les mains de gros actionnaires toujours plus gourmands. Dans de telles conditions, prôner le libre-échange comme mode dominant de fonctionnement des marchés ne peut qu’accroître les inégalités de développement tant à l’intérieur des nations que dans la confrontation des nations entre elles. La domination du libre-échange en donnant la priorité presque absolue à la dimension  économique des activités humaines ne peut que favoriser l’affaiblissement progressif des normes de protection des communautés locales ou de l’environnement en général. Ce dernier avatar est évidemment insoluble en l’absence d’un droit international digne de ce nom. Enfin, la financiarisation exacerbée de l’économie, en renforçant toujours plus la volatilité des capitaux, ne fait que favoriser le risque de déstabilisation des économies locales rarement préparées à supporter les conséquences de décisions prises par des « donneurs d’ordres » souvent très éloignés des lieux de la production des richesses matérielles et des lieux de vie des hommes. Une autre mondialisation, basée sur le partage réel des richesses et une exacte connaissance des besoins des hommes partout où ils vivent, est éminemment souhaitable. Elle ne sera possible qu’au prix de la condamnation du néolibéralisme économique que des régimes politiques, que l’on fait encore mine de croire démocratiques, soutiennent contre vents et marées. Le changement radical n’est donc hélas pas pour demain matin !

Car, demain matin c’est ce populisme mauvaise version qui va triompher en France – entre autres exemples européens - comme c’est désormais le cas aux États-Unis. Nous entendons là l’accession au pouvoir suprême de candidats portés par le désarroi des « perdants » - et de ceux qui croient l’être – à qui l’on a savamment désigné les boucs-émissaires responsables de leurs difficultés et des malheurs du pays. Ces vainqueurs aux petits pieds eu égard aux défis du temps ne sont en rien des hommes d’ouverture sauf dans le domaine de la circulation du capital et de la recherche du profit quoi qu’il en coûte. Ils vont un peu plus, si ce n’est totalement, fermer les frontières aux « nouveaux envahisseurs », chasser de leur pays tous ceux qu’ils décrèteront indésirables avec l’assentiment des pans déculturés de la société qui du coup aura bien du mal à garder ce nom. Donald Trump n’aiment pas les Musulmans, les Noirs, les Mexicains notamment parce que ces derniers sont catholiques. Il rêve d’une Amérique des origines, blanche et protestante, qui au moment de la lutte pour les Droits civiques dans les années soixante n’existait pourtant déjà plus. Sa politique de fermeture au monde couplée à l’allègement sensible des impôts frappant les plus favorisés ne pourra qu’aggraver la situation des plus déshérités dont la hargne envers les faux coupables désignés grandira encore tout comme la réponse sécuritaire qui trouvera là un alibi commode pour justifier d’autres fermetures et un durcissement de l’arsenal répressif. Il semble que l’Europe pourra, de son côté, difficilement échapper au même scénario. Ainsi, l’idéal démocratique de l’Occident s’éloignera chaque jour un peu plus.

L’espoir en une démocratie vivifiée s’évanouit donc lui aussi. Ainsi, la Conférence des Présidents du Parlement européen a décidé le 17 novembre dernier de refuser à deux commissions du dit parlement le droit d’examiner le CETA, l’accord de libre échange EU-Canada. Cette décision est sans précédent. Depuis des semaines, les représentants de la droite, des libéraux et des sociaux-démocrates faisaient tout leur possible pour étouffer le débat sur le CETA, manœuvre après manœuvre. Avec cette décision, la boucle est bouclée : il n’y aura pas d’espace au Parlement européen pour un débat démocratique sur le premier des traités transatlantiques. La commission Commerce international (INTA) est en charge du dossier, et fait tout son possible pour empêcher d’autres commissions de se pencher sur l’accord, et d’étudier le texte sous d’autres angles : environnement, agriculture, démocratie, consommation, etc. Lors de la même réunion de la Conférence des Présidents, il a aussi été décidé de ne pas débattre d’une motion portée par plus de 80 députés de toutes couleurs politiques, sur la légalité des dispositions de protection des investissements du CETA. Ces scandaleuses décisions montrent à quel point les fanatiques du libre-échange, y compris sociaux-démocrates, ont une peur bleue du débat sur le contenu de ce traité. Qui a dit pourtant que la démocratie c’est le débat ? Et l’on s’étonnera que les peuples n’y croient plus !

Pour changer les orientations profondes de la mondialisation il faudra d’abord renvoyer les hommes qui la façonnent. Albert Einstein n’avait-il pas dit:

« On ne résout pas un problème avec les modes de pensée qui l’ont généré ».

Honorons enfin cette parole par des actes.


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Yann Fiévet

Author: Yann Fiévet

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