Les fausses vérités du « Traité de Lisbonne » - par Lionel Gouésigoux
- Article par Lionel de Cahors
- |
- Comments (0)
- |
- Attachments ()
- |
- RSS Feed
Posted on Tuesday 29 January 2008, 12h03 - updated on 16/02/12 - Réfléchir - Permalink
Le nouveau Traité modificatif européen que les chefs d’États et de gouvernements ont signé le 13 décembre dernier à Lisbonne, n’est qu’un habillage de la “constitution européenne” rejetée majoritairement en France et aux Pays-Bas, afin de contourner les réticences des tenants du NON et endormir ceux qui sont toujours hostiles à l’orientation
néolibérale de la construction européenne.
Les responsables européens, craignant le réveil d’une opinion publique à la suite de ce double refus de ratifier le traité établissant une constitution pour l’Europe (TCE) en mai-juin 2005, ont conduit durant tout l’été 2007, dans l’opacité la plus totale, des discussions et un travail revanchards rondement menés par des représentants accrédités des gouvernements, loin du regard des citoyens, avec la complicité d’économistes et de juristes experts, pour présenter un nouveau Traité modificatif, qu’ils veulent à tout prix voir ratifié.
Ce ” Traité modifiant le traité sur l’Union européenne et le traité instituant la Communauté européenne “, se compose d’un préambule (2 pages), du traité lui-même (152 pages), de 13 protocoles additionnels (77 pages) et de 68 déclarations (28 pages), soit au total un document de 259 pages. À noter que les protocoles et déclarations ont même valeur que le traité.
De plus, par un “toilettage” des expressions qui heurtaient, ainsi qu’une communication effrénée sur les mots “révisé”, “modifié”, “simplifié”, le nouveau texte ne contenant certes aucun article mentionnant les symboles de l’Union Européenne (drapeau et hymne), ne correspond nullement à la présentation que les libéraux de droite comme de gauche, diffusent en permanence dans une propagande aussi habille qu’insidieuse, relayée par toute une presse patronale. L’affaire est dans le sac pour un passage en force. Ou presque.
Hors, comme l’explique le chercheur-politologue Raoul Marc JENNAR, ce que les peuples de France et des Pays-Bas ont sanctionné, c’est l’incapacité des gouvernements à concrétiser le rêve européen. Ce qui a été refusé, c’est une Europe limitée au commercial, à l’économique et au financier.
L’enjeu est de taille. Ce qui est en cause, c’est un projet de société. Il ne s’agit pas d’être pour ou contre l’Europe. Il s’agit de choisir quelle Europe nous voulons, et nous ne sortirons de cette crise qu’en étant capable d’apporter une réponse à cette question fondamentale, que nos gouvernants ne veulent surtout pas nous poser.
Parmi bien d’autres, voici 5 fausses vérités habilement diffusées par la presse et les médias.
1) Sur la laïcité
Comme dans le TCE, l’Union Européenne reconnaît les Églises, mais pas la laïcité (le mot et la chose sont absents des textes du Traité modificatif). Mais en plus, et c’est une nouveauté par rapport au TCE, “l’héritage religieux ” est maintenant mentionné comme “ source de la démocratie, de l’État de droit et des libertés fondamentales ” dans l’article 1-1 du préambule. Le Vatican triomphe avec l’aide du chanoine qui préside notre République. Compétence est donnée aux Églises pour apporter des arguments justifiés sur la base de la religion dans les politiques de L’Union européenne.
2) Sur la démocratie
Quelques dispositions renforcent le poids du Parlement européen, comme cela était prévu dans le TCE :
extension des domaines où s’applique la codécisions (Parlement et Conseil) passant de 32 à 80 matières, étendues aux questions de justice, de sécurité et d’immigration légale,
il vote de toutes les dépenses (mais pas les recettes). Là aussi un progrès, puisque le Parlement, ne pouvait auparavant voter que les dépenses de la PAC.
En dehors de ces deux avancées, le Parlement ne peut toujours pas proposer ses propres textes (le monopole de l’initiative est maintenu en faveur de la toute puissante Commission européenne qui peut s’opposer aux attentes du Parlement et du Conseil des ministres pourtant tous deux issus du suffrage universel).
Le Parlement européen qui n’est pas l’unique législateur et avec des pouvoirs de contrôle limités, reste largement un Parlement croupion, sous la coupe de la toute puissante Commission européenne.
3) Á propos du néolibéralisme
La formule “concurrence libre et non faussée ” qui a tant heurtée les peuples ne supportant pas la voir “gravée dans le marbre” en 2005, a été malicieusement écartée par le subterfuge suivant : disparition de l’ancien article 2 où figurait la concurrence libre et non faussée , mais un nouvel article rappelle d’abord la primauté d’une ” économie de marché ouverte où la concurrence est libre ”, et la seconde partie se retrouve dans le protocole additionnel n° 6 qui rappelle en effet que ” le marché intérieur tel qu’il est définit à l’article I-3 du traité de l’U.E. comprend un système garantissant que la concurrence n’est pas faussée “. Le tour de passe-passe est assez grossier. Plus que jamais, la seule politique de l’Union Européenne c’est de mettre en concurrence toutes les activités humaines.
4) Sur les services publics
Rien n’est plus mensonger que d’affirmer que l’Union Européenne protège désormais les services publics. D’une part, comme dans le TCE de 2005 on ne parle jamais de services publics, mais de Services d’Intérêt Général (SIG), ou de Services d’Intérêt Économique Général (SIEG). D’autre part, le protocole 9 dont l’intitulé parle des SIG, ne concerne en réalité dans son contenu, que les SIEG, lesquels sont soumis aux règles drastiques de la concurrence, dans les articles 86 & 87 du traité sur le fonctionnement de l’union européenne, qui rendent quasi-impossible toute aide de l’État. Là encore, il s’agit d’une formidable mystification des auteurs du TME.
5) Sur la mondialisation néolibérale
Le Traité modificatif renforce les pouvoirs de la Commission européenne pour négocier des politiques de dérégulation à l’OMC. De plus, les pouvoirs du “Comité 133” composé de 27 hauts fonctionnaires de chaque pays de l’Union Européenne, sont consacrés et renforcés dans la mesure où il ne devra plus se prononcer à l’unanimité, mais à la majorité qualifiée. La mise en œuvre de l’Accord Général sur le Commerce des Services (AGCS), dont l’objectif ultime est la privatisation de toutes les activités de services qu’elles soient nationales régionales ou municipales, en sera facilitée. Le traité de Lisbonne favorisera ainsi, une soumission des services publics locaux aux règles de l’AGCS.
Alors que le TCE rejeté en 2005, remplaçait tous les traités européens par un texte unique, le Traité modificatif amende les deux traités “fondateurs”, à savoir le traité de Rome de 1957 sur la Communauté européenne et le traité de Maastricht de 1992 sur l’Union Européenne. C’est donc une suite d’amendements incompréhensibles sans les deux autres traités à portée de main. Cela en limite son accès à un public de juristes avertis, même si l’on découvre dans le préambule que l’objectif de ce traité est de “renforcer l’efficacité et la légitimité de l’Union” …
Cette fois tout est fait pour nous empêcher de lire le nouveau traité que l’on nous destine. Singulier paradoxe que de vouloir faire le bonheur des peuples, en se passant de leur assentiment.
Par le suffrage universel, les citoyens qui peuvent changer, leurs maires, leurs parlementaires, ou le gouvernement, sont totalement impuissants face à une Commission européenne qui n’est pas comptable de ses actes. Le nouveau Traité dit de Lisbonne ne modifie en rien le caractère technocratique et opaque d’une Commission européenne qui sera plus que jamais, aux ordres des lobbies de la finance et de l’industrie.
Dans l’Europe qu’on nous propose avec ce nouveau Traité modificatif, pas de place pour la coopération ; pas de place pour la solidarité. Mme Merkel l’a confirmé au Parlement européen : en ce qui concerne le libéralisme des politiques, ” rien ne va changer “, et l’ancien président de la Convention européenne, Valéry Giscard d’Estaing, qui avait préparé le texte du TCE, le dit mieux que quiconque : « le nouveau texte correspond à une nouvelle écriture du texte original et contient l’essentiel de la Constitution européenne ».
Il faut se souvenir que le mandat donné par les Chefs d’États et de gouvernements de l’U.E. à la Convention présidée par VGE était de rendre l’Union plus démocratique, plus transparente, plus efficace …, et que notre ancien Président du parlement européen Jacques Delors nous recommandait en 1992, « Votez Maastricht, le lait et le miel couleront en abondance en Europe » . On a bien fait d’y croire…
Nos Parlementaires ont la possibilité de contraindre Sarkosy à organiser un référendum, tout simplement en votant contre la modification de la Constitution de la Ve République. Pendant la campagne présidentielle, le Parti Socialiste avait pris l’engagement d’une consultation populaire sur le traité modificatif. Aux municipales et cantonales, il faudra sanctionner les élus qui ne respecteront ni leurs engagements, ni la démocratie.
Nous devons réagir massivement contre ce mépris du peuple, ce déni de démocratie, et pour que les citoyens soient informés, mais aussi consultés il est urgent de signer la pétition du comité national pour un référendum
L. G.
Mouvement Altermondialiste Lot
Article inspiré des ouvrages et conférences du chercheur Raoul Marc Jennar :
- AGCS, Urfig 2003,
- Europe, la trahison des élites, Fayard 2004, Prix 2004 des Amis du Monde diplomatique,
- Quand l’Union européenne tue l’Europe, Urfig 2004,
- Quelle Europe après le NON, Fayard 2007,
- Politis n° 971 – 979 – 980 – 984 – 985.
- « Être citoyen-souverain dans son village, dans sa région et son pays, dans l’Europe et dans le monde et combattre toutes les institutions qui altèrent cette souveraineté ». RMJ.
Document(s) attaché(s) :
-
no attachment