Toulouse, Ô «Toulouse» !
- Article par Éric Jousse
- |
- Comments (1)
- |
- Attachments ()
- |
- RSS Feed
Posted on Thursday 29 March 2012, 21h00 - updated on 24/11/12 - Tribune - Permalink
Voilà la ville rose à jamais marquée du sceau de la terreur. Sitôt «Toulouse» désintégrée par la déraison meurtrière et l’acharnement médiatique, comme la mouche change de coche, la médiocratie s’est mise en ordre de marche pour dire combien le monde ne pouvait plus être comme avant et pour avancer sans plus tarder ce qu’il devrait en être après.
[Une fleur de corail que le soleil arrose]
Le mal pernicieux n’allant jamais vraiment sans un bien matois, la voici de fait élevée au rang de son inoubliable aînée le « 11 septembre © » : « naillenilèveune » pour les Foxniouseurs, « 911 » pour les initiés. Enfin presque. À peine. Pour y parvenir, il eut fallu que l’explosion d’AZF se soit produite le même jour et pas seulement dans la même ville. Et encore, ce n’est même pas sûr.
Le troublant effondrement des trois tours de Manhattan en 2001 était aux dimensions de l’Amérique étatsunienne et pas n’importe laquelle, celle de Dobeuliou-Boush. Elle ne pouvait être qu’au surperlatif : « more », much more ! Rien ni personne ne pouvait faire aussi haut, aussi gros, aussi fort. « naillenilèveune » reste au dessus du lot et se réserve le droit d’être un référant historique pour bien des motifs et surtout pour le monde entier. On se le tient pour dit.
« Toulouse » n’en est pas encore au point de se voir attribuer l’oscar des catastrophes. Trop éloignée des critères de la photogénie spectaculaire et morbide, elle n’aura pas le droit à la datation au carbone 14 historiographique, pas encore (?). « Toulouse » devra donc se contenter de la datation qui fait le grand ramdam journaleux, pas le gros titre des manuels d’histoire-géo.
Mais « Toulouse » comme « AZF » vient de rejoindre « Fukushima » tant l’oubli la guette déjà. Un « Fukushima » qui pourtant s’en défend alors que le Japon se cherche vainement un nouvel avenir qu’il a pourtant déjà, de fait. En affublant LA catastrophe du 11 mars 2011 d’une pâle imitation - « 311 » - on tente de lui donner le même statut que le « naillenilèveune » new-yorkais - « 911 » - et partant on prend le risque de l’amalgame.
Quand en effet, à l’avenir, on dira « 311 », parlerons-nous de la catastrophe naturelle du « Big one » et du raz de marée ou de celle qui coure toujours, celle qui nous rappelle chaque jour la plus irrémédiable des erreurs humaines ? Quoiqu’il en soit, l’idée laisse la curieuse impression de vouloir effacer des mémoires le plus nuisible et le plus durable c’est à dire cette gangrène gazeuse inexpugnable de la datation au césium 134 et au Mox made in AREVA qui marque d’ores et déjà tout le nord du pays pour les siècles des siècles.
Qu’il est loin mon pays
En général, après un événement choc [1] de cette ampleur, surtout en pleine période électorale, on finit immanquablement par se demander à qui profite le crime. En l’occurrence, il ne se dit rien et c’est bien étrange. Mais la co(a)gitation qui mobilise les « chiens de garde » pro-système, elle, monopolise actus et plateaux (de) télé pour faire office d’alpha et d’omêga de la pensée, une pensée subreptice et niaiseuse qui n’oublie pas de mettre par dessus l’immonde un mouchoir déjà sec de toute larme.
Pourtant, quand on roule ainsi à tombereau ouvert pour la pensée unique, qu’on soit du centre gauche ou du centre droit c’est à dire de l’extrême gauche ou de l’extrême droite néolibérale, d’ordinaire on s’empresse de regarder les courbes sondagières pour tout mettre bien en ordre, bien à plat, et en tirer la prédiction qui convient. Et que nous dit cette virtualité autoréalisatrice des courbes ? Elle nous dit que deux candidats bénéficient des seules lignes ascencionelles qui font les lignes de vie présidentielles : Sarkozy et Mélenchon. Les autres, quant à elles et quant eux, voient la leur déprimer.
Quid alors du bénéfice tiré de la tuerie ? Comme un déni de réalité, il ne s’en dit rien chez les observateurs et dans les commentaires alors que l’enquête suit un cours chaotique et que le feuilleton continue. Il en filtrera quelque chose bien assez tôt, c’est à dire, pas avant le second tour, peut-être jamais. Les bénéficiaires font donc figures innocentes et se préparent à une « tuerie » - une autre - de celles que nous prédisait déjà le Parisien du 7 mars dernier [2].
Nous voilà donc rendu à l’étape de la fameuse dernière inter-minable « ligne droite », avant la prochaine, où le candidat pro-système de l’extrême droite néolibérale reprend le dessus sondagier sur le candidat pro-système de l’extrême gauche néolibérale tout en remerciant chaleureusement le candidat d’outre néolibéralisme que quelques 15% des sondés découvre férocement anti-système.
Qu’on n’en doute pas, aussi petit et modeste soit-il, M. Sarkozy est prêt à tout pour garder les talonnettes du pouvoir. Et pour y parvenir, il est prêt à se refaire une sagesse tous les matins en se rasant et en nous laissant à croire qu’en un quinquennat, il aurait changé. Lui peut-être… mais ses pratiques et celles de ses amis ?
M. Mélenchon, quant à lui, en promet des vertes mais surtout des bien mûres à son concurrent préféré Mhollande laissant après chacune de ses tribunes un arrière goût un peu amer de revanche.
Bref, c’est la fête électorale : le système bat son plein. Turlututus et chapeaux pointus bien tassés cotillonnent devant les tribunes, des feux de la rampe jusque sous les réverbères. Les pros chantent la Marseillaise, les antis préfèrent l’Internationale : la fête de la musique avant l’heure.
Pendant ce temps, de part et d’autre de la méditerranée, juifs et musulmans enterrent et pleurent leurs morts tandis qu’aux antipodes du levant, on creuse chaque jour un peu plus chacun sa tombe ou on se suicide. Les alters de tout poil et de tous horizons cherchent une sortie à ce monde de malades et se consolent en dégoisant les yeux humides un air connu de Nougaro : Qu’il est loin mon pays, qu’il est loin…
Notes :[1] • Une véritable busherie | • La stratégie du choc en Grèce, interview de Naomi Klein
[2] http://www.dailymotion.com/video/xpa6p5_revue-de-presse-unes-1ere-07-03-2012_news
Post-Scriptum :
1- Où le président-candidat Sarkozy fait - entre autres choses ! - le lien entre l’affaire Merah et le 11 septembre 2001 (à partir de 10mn 10s), citation :
http://www.europe1.fr/MediaCenter/Emissions/L-interview-de-Jean-Pierre-Elkabbach/Videos/Sarkozy-les-interpellations-vont-continuer-1013777/« Ce qu’il faut bien comprendre, c’est que le traumatisme de Montauban et de Toulouse a été profond dans notre pays, un peu - j’veux pas comparer les horreurs - un peu comme le traumatisme qui a suivi au Etats-Unis à New York … l’affaire … de …. septembre 2001 : le 11 septembre (on le lui souffle). On ne peut rester sans en tirer des conclusions »
Quant aux Kalachnikov retrouvées lors du «coup de filet» et de l’arrestation des 19 islamistes radicaux (ou une quinzaine selon les sources), il a été rapporté et confirmée par Reuters le 31/03/12, qu’elles étaient en réalité «démilitarisées» c’est à dire hors d’usage.
http://www.arretsurimages.net/vite.php?id=13522
http://tempsreel.nouvelobs.com/topnews/20120330.REU3027/coup-de-filet-dans-les-milieux-islamistes-en-france.html
2- @ux sources, émission le 30/03/2012 par la rédaction d’@rrêt sur images
Maja, @ux sources de Dominique Reynié
Où Dominique Reynié pose comme postulat que les « tueries de Toulouse et Montauban » doivent être un tournant dans la campagne électorale :
http://www.arretsurimages.net/contenu.php?id=4810
Document(s) attaché(s) :
-
no attachment
- Haricophile · 01 May 2012, 11h37
-
De toute manière AZF c’est du foutage de gueule. Si on en avait vraiment fait une priorité nationale, ça se serait passé autrement. Pour commencer, il n’aurait pas fallu 3ans pour remettre des carreaux aux fenêtres dans le pays de Saint Gobain. Le reste est à l’avenant.
La seule leçon a en tirer, c’est que lorsqu’il y a un problème grave, il faut compter sur les “autorités” pour vous laisser tomber comme de vieilles chaussettes.
L’accident AZF a un mérite, c’est celui de démontrer que un accident de type Fukushima en France serait traité pareil, avec autant de mépris pour les intérêts, la sécurité et la santé des personnes au profit de la sauvegarde des fesses de nos dirigeants, d’une certaine idée de “l’ordre public” et la sauvegarde majeure des “intérêts stratégiques” (qui ne sont sûrement pas ceux des citoyens).