Le nouveau paradigme sera démocratique
- Article par Éric Jousse
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Posted on Wednesday 30 September 2009, 06h00 - updated on 25/12/12 - Réfléchir - Permalink
Nous avons passé quelques heures à Notre-Dame-des-Landes où se déroulait, du 1er au 9 août dernier la semaine de résistance visant à faire échec au projet d’aéroport du “Grand-Ouest”, un projet vieux de 30 ans pour suppléer l’aéroport “Nantes-atlantique” que les autorités disent saturé. Un argument bien douteux.
Sur les lieux, il y avait à l’ouest du site le Camp Climat autogéré et à l’est, les stands de 7 partis politiques représentés : le NPA (Christine Poupin), Europe Écologie (Yannick Jadot), le PG (Corinne Morel-Darleux), les Alternatifs (Jean-François Pélissier), M’PEP (Aurélien Bernier), le PPLD et Europe Décroissance (Christian Sunt). Nous avons planté la tente au beau milieu, sans le savoir.
Le soir venu, à notre gauche, au delà d’une rangée de toilettes sèches qui faisaient aussi office de cabinets de lecture, sous un chapiteau circulaire on ne peut mieux rempli, les clowns du Camp racontaient leurs actions dans la joie et la bonne humeur, des actions de sensibilisation visant à provoquer le débat avec les clients de l’aérodrôme, les personnels mais aussi les policiers qui n’ont semble t-il pas hésité à lancer une invitation pour qu’une action du même
genre ait lieu sur les plages bretonnes envahies par les algues vertes. Du sérieux dans la non violence, comme toujours.
À l’opposé du site, à droite de notre tente, les stands s’étaient vidés mais il restait encore quelques représentants des délégations. De nos entretiens, il est ressorti que “la décroissance” avait fait son chemin dans les esprits d’une gauche anti-néolibérale de plus en plus verte et inversement. Il restait encore à voir combien ou jusqu’où et surtout comment.
Benêts ou indécis ?
[1]Depuis dix ans au moins, des altermondialistes discutent, débattent voire s’empoignent fraternellement avec des politiciens appartenant à la gauche classique issus du PS ou du PCF. Sur la question de l’eau par exemple où, contrairement à d’autres sujets, des propositions concrètes existent bel et bien depuis longtemps. Prenons en une. L’arrêt de toute délégation du service de l’eau au privé quitte à en passer par la dénonciation de la délégation de service en cours, ce service public devant intégralement revenir à la commune seule propriétaire (c’est la loi) non pas de l’eau - qui appartient à tout le monde donc à personne - mais du réseau de distribution et des équipements permettant son traitement. Quelles sont ces propositions ?
La première en passe par la gratuité totale pour tous comme cela existe encore dans quelques unes de nos communes. Cela signifie qu’il n’y a pas d’émission de facture de l’eau mais n’exclue pas pour autant l’impôt pour financer la maintenance et pourquoi pas l’extension des infrastructures de distribution et traitement de l’eau.
Une deuxième prévoit la gratuité pour tous des 40 ou 50 premiers litres par jour et par personne, le tarif ensuite pouvant suivre une courbe adaptée aux usages locaux (piscine ? arrosage ? Exploitations agricoles bio, paysanes ou industrielles…), une courbe arrêtée après un consensus acquis démocratiquement, ça va de soi.
À ces propositions, les élus locaux issus, par exemple, du PCF répondent : Non ! Il faut natio-na-li-ser !… nationalisation qui tient lieux d’étatisation, cela va sans dire. Alors, péremptoire ? Radical ? Révolutionnaire ? Extrémiste ? Non, tactique ! Ils poussent la logique révolutionnaire et l’anachronique espérance d’un hypothétique Grand soir à l’absurde et ce faisant repoussent aux calendes grecques le retour de l’eau comme bien public administrée (pour ne pas dire gérée) par les services publics de la commune. Quant à l’idée d’un retour à l’étatisation, est-elle seulement souhaitable ?
En tout cas, c’est devenu la ligne « real politiquement correcte » dont se servent les caciques de ses officines déclinantes pour tromper leurs propres militants et l’électorat dont les aspirations au fond ont bien changé. Ils sont depuis l’Union de la gauche de mèche avec leurs compères du Parti Solférinien, eux-mêmes devenus d’indécrotables néolibéraux adeptes du TINA, acronyme qui en français signifie « on ne peut pas faire autrement !». Ils divulguent ainsi l’impuissance d’une élite politicienne devenue des gouvernants fonctionnaires de la globalisation c’est à dire, au service des multinationales comme Veolia ou Suez et bien d’autres. S’en rendent-ils seulement compte ?
Quoiqu’il en soit, ils ne sont pas tous tout à fait cohérents. Le deviendront-ils ? À ce moment songeons par exemple à cet ex-député mais encore maire PS de la banlieue nord de Paris qui est passé publiquement de l’autre coté le jour où il a réclamé la légalisation du travail dominical en éludant magistralement l’existence d’une loi sur les 35 heures - certes détricotée par le gouvernement Sarkozy - que quelques années auparavant il avait défendue. Avant cela, en 2007, il avait reconduit Veolia comme délégataire des services de l’eau sur sa commune. Blasé, ce Jean-Pierre là est aussi un ancien du NPS qui ne devrait pas tarder à rejoindre La Gauche Moderne de Jean-Marie Bockel aussi figurant-supplétif de la liste UMP aux Européennes 2009. À moins qu’il franchisse plus allègrement encore le pas comme son ami Éric Besson, ancien député PS de la Drôme, pronucléaire et actuel Ministre “UMP” de l’Immigration, de l’Intégration, de l’Identité nationale et du Développement solidaire, digne successeur de Brice Hortefeux (cf. l’affaire de la fermeture de la “jungle” de Calais)… rien que ça. Quoique, le vent semble vouloir tourner. À suivre donc.
Alors, laquelle des deux propositions de retour au service public de l’eau est la plus réaliste ? Qu’elle est la plus gênante pour Véolia (ex. Générale des eaux-Vivendi) et ses pseudo-concurrents qui font tout ce que leur pouvoir de prédation leur permettent depuis des décennies afin d’imposer au monde le modèle le plus injuste qui soit en la matière, le « modèle français de l’eau » comme on l’appelle partout et pour commencer à l’OMC ? Laquelle des deux propositions est la moins extrémiste, laquelle est la plus radicale : l’étatisation ou la gratuité ? Posons la question autrement : laquelle des deux propositions est « sociale démocrate » pour ne pas dire désormais conservatrice ? Quelle proposition participe le mieux de l’élaboration d’un nouveau paradigme comme contribution, pourquoi pas, à la refondation d’une gauche qui se cherche au fond de la piscine ? Comme se le demandait fort justement Minga, Partis de gauche : pour aller où ?
Allez hop… tout le monde à la campagne !
Dès les prochaines élections, de l’extrême gauche à l’extrême droite, l’offre politique sera d’abord et avant tout « verte »… au moins dans la charte graphique et le code couleur “chocolat-pistache” qui devrait dominer sur les affiches électorales [2] comme dans les vitrines de n’importe quels commerçants et les catalogues. Lors de la mise en concurrence électorale, nous verrons bien ce qu’il y a en stock de chacune des officines.
Car le seul vrai succès électoral - modulo la tendance historique à la baisse de la participation désastreuse aux élections européennes de 2009 - ne fut pas celui de l’UMP, tout le monde l’avait bien compris malgré la propagande. Non, le vrai succès même relatif fut celui d’Europe écologie. Désormais, dans le jeu de la concurrence électorale, tous seront alignés en rang d’oignons, tous adopteront ce positionnement marketing dont nous dénoncions les mécanismes urgentistes et annoncions le succès il y a un an.
Au cours d’une analyse critique des fondements du projet de cette LCR rebaptisée “Nouveau Parti Anticapitaliste”, nous disions en quoi le positionnement « croissance verte » était un « boulevard électoral », bien plus qu’un anticapitalisme d’affichage lui aussi, à l’occasion, passé à la verte ripoline même s’il prônait de manière paradoxale l’augmentation du pouvoir d’achat. Car tout le monde a compris que ni le « travailler plus pour gagner plus » ni le « lutter plus pour gagner plus » ne pouvait fonctionner pour la bonne et simple raison que le système est désormais caduc. Et si un jour, les banquiers en venaient à revenir sur leur aversion viscérale de l’inflation en autorisant le gouvernement à revaloriser grassement les SMIC et partant les salaires ce ne serait que la confirmation de cette caducité. C’est qu’ils n’auraient pas compris que la relance par la consommation serait pire encore.
C’est à ce moment la seule explication évidente que l’on puisse donner à cette « insurrection qui se retient » à savoir qu’à part l’idée d’une « croissance verte » faisant le jeu d’un « capitalisme vert » bien plus que d’un anticapitalisme et encore moins d’un indispensable et urgent antiproductivisme, il n’y a pas de boulot pour tout le monde dans le cadre du système qui nous domine et que l’Etat déjà surendetté [4] ne peut pas « accueillir la misère du monde » même quand c’est celle des siens et de ses esclaves modernes que sont les sans-papiers… suffit d’ouvrir les yeux sur le domicile fixe que sont devenus les trottoirs de nos villes.
Nos anciens diraient que l’on ne chie pas la honte devant autant de mensonges étalés pour nous fiche la frousse et nous réduire au silence et à l’incapacité. C’est bien autre chose en effet d’être indécis que d’être benêt mon cher camarade Bernier [1]. Indécis ne veut pas dire que nous sommes des simples d’esprit car, à la vérité, nous avons tout bien compris, trop bien peut-être [3]. Il reste cependant bien du travail et ce n’est pas la profusion d’alternatives qui fait défaut. Désert ou brousse ? analyse Edrobal. Sa réponse ? Brousse !
C’est bien autre chose aussi que d’être impuissant car en fait nous avons le pouvoir que nous nous donnons ou, si l’on préfère, en l’occurrence, le pouvoir que l’on voudra bien prendre et au besoin reprendre. Il suffirait pour cela de ne plus tendre la main mais de serrer le poing et de taper un bon coup sur la table des négociations (cf. les Conti ) qu’il ne s’agira plus de quitter tant que l’on n’aura pas obtenu l’intégralité de ce qui nous revient de plein droit. Comme par exemple ces tombereaux d’argent refilés aux banques et à la finance, non pas pour en faire à nouveau le nerf de la consommation privée mais pour nous enlever le surendettement public que l’on vient de nous coller sur le dos en doublant le déficit de l’Etat [4] et ce, d’un simple claquement de doigt et sous couvert encore de crise. « Travailler plus pour… rembourser plus » !… c’est l’injonction sous-jacente.
De la capacité d’indignation à l’élaboration d’un nouveau paradigme
Vous avez sans doute lu l’« Altermondialisme en France » (Flammarion, 2005). Vous devriez lire si ce n’est pas déjà le cas « Voyage dans la galaxie décroissante » de Fabrice Flipo (Mouvements, avril 2007).
Vous pourrez lire aussi (voir l’annexe ici) la « Lettre Ouvertes au PG/NPA » des Objecteurs de Croissance (OC) d’« Europe décroissance », pour peut-être vérifier qu’en effet nous avons tout compris mais que nous sommes tous encore indécis et partant incapables de faire ce que la situation historique actuelle exige de nous pour empêcher la plus vaste entreprise de destruction de l’avenir qui est en marche.
Comme nous le pensons et comme nous cherchons à le construire en contribuant ici encore au projet Netoyens!, les OC affirment dans cette lettre ouverte la nécessité de l’élaboration d’un nouveau paradigme. «Il faut être en capacité d’élaborer des propositions radicales, désirables et surtout pertinentes face aux urgences planétaires.» affirment nos amis OC.
Et de compléter ainsi pour dire comment :
« Nous trouvons donc insuffisant que votre seule critique vis-à-vis d’Europe écologie porte sur la volonté de dépasser le clivage gauche/droite, dépassement qui nous semble pertinent quand il s’agit de rompre avec l’hypothèse sociale-démocrate et envisager de véritables ruptures avec le capitalisme et le productivisme. Mais nous craignons qu’il s’agisse plutôt de profondes incompréhensions des paradigmes de l’écologie politique. »
De surenchérir à juste titre ainsi :
« Nous trouvons aussi dommage que vous ne critiquiez pas plus radicalement les bilans des gestions néolibérales des majorités « gauche plurielle » dans les régions et le rôle d’alliés dociles que jouent les élus verts mais aussi les élus du parti communiste. Comment ne pas critiquer ceux qui, à des postes de vice-présidence, mettent en application dans les régions les politiques libérales européennes par la transcription des directives de la PAC, de la politique des transports, de la mise en concurrence, des délocalisations ? »
Et d’achever l’argumentation par :
« Enfin, il ne suffit pas dans l’avenir de garder sa liberté de vote dans les conseils régionaux, si l’on ne garantit pas à nos électeurs leur juste et intégrale représentation proportionnelle et que l’on donne un chèque en blanc à des majorités sociales-libérales sans possibilité de contrôle sur leurs actions et sans moyen d’exercer un contre-pouvoir parles mouvements sociaux. »
Tout semble y être pour faire bon poids et bonne mesure. L’exigence d’un nouveau paradigme remettant totalement en cause le modèle dominant devant en passer par l’émergence d’un pôle de radicalité. Puis foin de tout réformisme identifié à la sociale-démocratie matinée libérale pour laisser place à l’anticapitalisme cher au NPA et plus sûrement à l’antiproductivisme bien plus radical mais bien moins spectaculaire. Enfin, remise en cause de la croissance, du développement, du progrès technologique et de la concurrence pour mieux restaurer la prééminence de l’humain, son autonomie, sa souveraineté, le lien social et la coopération.
Reste la question lancinante. Celle qu’on maltraite toujours au moins un peu, comme la bande son au cinéma que l’on produit toujours à la fin avec un reliquat de crédit. C’est pourtant celle qui doit permettre de recouvrer notre pleine et entière capacité collective, celle qui doit donner un réel poids à notre légitime indignation à savoir, l’ambition démocratique. Ici, le nouveau paradigme que les OC appellent de leur voeux semble se contenter d’un aménagement des institutions en vigueur afin d’obtenir la « juste et intégrale représentation proportionnelle » des électeurs, une aspiration qui ne devrait pas heurter le projet d’une 6ème République [5] chère aux fondateurs du Parti de Gauche (PG) au point de se demander s’il on veut réellement d’un nouveau paradigme. À moins qu’on le veuille comme au NPA cet anticapitalisme qui se résoud à sauver le capitalisme en réclamant l’augmentation d’un pouvoir d’achat devant nous permettre de consommer les surplus produit par le système en place. « Pouvoir d’achat, pouvoir de nuire » faut-il encore le démontrer ?
Peut-on affirmer sérieusement être de plein pied dans l’écologie politique radicale, vouloir que l’humanité s’émancipe d’un système qui la broie et échapper à toute logique d’accompagnement tout en évitant la nouvelle constitution d’un « cartel électoral » sans remettre en cause les institutions qui organisent, structurent et conditionnent les faits et gestes politiques depuis un demi siècle au moins ?
Comment affirmer que le modèle est caduc au point d’annoncer avec raison la fin de notre civilisation sans dénoncer celle du régime sans lequel elle n’aurait tout simplement pas pu exister et durer suffisamment longtemps pour décliner et finalement risquer l’autodestruction ?
Par ailleurs, on est prêt à reconnaître tout le courage politique dont Corinne Morel-Darleux a fait preuve jusqu’ici. Membre du mouvement Utopia devenue secrétaire nationale du PG, elle déclare le 21 novembre 2008 sa décision de quitter un Parti Socialiste (.pdf) empêtré sur sa ligne sociale démocrate, un PS dénué d’idéal et de projet politique, incapable de prendre la mesure du désastre social et écologique en marche et ce pour « répondre à l’appel du Sénateur Jean-Luc Mélenchon et du Député Marc Dolez et de rejoindre le Parti de Gauche (PG) (…) avec la volonté de contribuer utilement au développement d’un projet politique de dépassement du système capitaliste, intégrant l’urgence écologique et sociale ». Gageons que de nombreux autres suivront son exemple.
Cependant qu’en est-il du dépassement de ce système hiérarchique, militaire et belliqueux qui structure non pas seulement l’armée elle-même et tout le système policier mis en place par monsieur Sarkozy mais toute la société jusque dans les entreprises et les partis politiques de droite bien sûr mais aussi ceux qui se disent encore de gauche.
Vouloir d’une 6ème République est ce une remise en question du régime suffisante au regard des enjeux sociaux, écologiques et démocratiques auxquels nous devons faire face ? N’y a t-il pas plutôt place pour l’idée d’une 1ère Démocratie ? Car, en effet, qu’en est-il de l’urgence démocratique alors que le fascisme vient plus sûrement que l’insurrection ?
Notes :
[1] «Ne soyons pas des altermondialistes benêts» par Aurélien Bernier :
http://www.marianne2.fr/Ne-soyons-pas-des-altermondialistes-benets_a181745.html
[2] Voir la charte graphique des sites et des affiches comparées des finalistes de la législative partielle de Rambouillet (Yvelines) :
http://www.jfpoisson2009.com/
http://www.poursinoff2009.fr/
[3] Susan George vs Henry Guaino : http://sites.radiofrance.fr/franceinter/em/septdix/index.php?id=83164
[4] L’escroquerie de la dette publique, ou comment les banques privées escroquent les Etats Européens ? :
http://www.econologie.com/l-escroquerie-de-la-dette-publique-nouvelle-3920.html
[5] On retrouve cette proposition dans la profession de foi d’Anny Poursinoff, candidate “Europe Écologie” soutenue, au 2ème tour de la législative partielle de Rambouillet, par le PS, le MRC, le PCF, le Parti Radical de Gauche, le Front de gauche et le parti Gauche Unitaire.
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- corinne morel darleux · 02 October 2009, 10h12
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Bonjour,
Dans la foulée de cet article qui pose les bases d’une discussion indispensable, je vous livre quelques réflexions sur l’articulation central / local, nationalisation / socialisation, le rôle de l’État et des services publics… Des réflexions en cours, qui m’ont notamment été inspirées par nos débats à Notre Dame des Landes… A discuter ;)
Je pense tout d’abord qu’il faut en effet réussir à dépasser l’idée de nationalisation-Étatisation et l’élargir à la notion de réappropriation citoyenne et de socialisation de l’économie, et la lier avec la réflexion sur la propriété du capital et des moyens de production. Les SCOP sont un modèle intéressant dont nous avons beaucoup à apprendre à ce titre.
Mais pour autant je pense également nécessaire de ne pas jeter le bébé avec l’eau du bain : ce n’est pas parce qu’EDF monopole d’État a permis le développement du nucléaire qu’il faut s’acharner à libéraliser le marché de l’électricité comme s’évertue à le faire l’Union Européenne, avec des directives - votées y compris par des députes européens verts. Je ne crois pas un seul instant à la capacité de la concurrence « libre et non faussée » d’apporter du mieux disant social et écologique.
Nous devons au contraire réaffirmer l’importance de droits fondamentaux et biens communs gérés par le service public. Dans le domaine de l’énergie par exemple, le PG défend la création d’un pôle public de l’énergie, avec le retour à 100% public d’EDF GDF et Total. Parce que l’énergie est un droit fondamental qui ne peut pas être laissé aux seules lois du marché, et que seul un service public de l’énergie peut permettre à la fois de planifier la révolution énergétique, mais aussi de garantir le droit à l’énergie pour tous, partout, aux mêmes conditions d’accessibilité. Après, au sein de ce cadre, on peut imaginer des unités de productions décentralisées. Mais la production d’énergie renouvelable n’est pas linéaire, pas toujours stockable, et les territoires ne sont pas tous égaux en termes de possibilités d’équipements. Alors il faudra bien avoir un pilotage d’ensemble des besoins et des ressources, assurer une régulation centralisée des flux pour assurer la distribution continue sur le réseau, assurer des péréquations tarifaires afin que l’énergie soit accessible partout au même tarif, et pas plus chère selon que vous habitez dans un coin ensoleillé et venteux ou pas.De même, à rebours de ce qui est fait par le gouvernement actuel avec son projet de taxe carbone, il ne suffit pas de montrer du doigt les comportements individuels, encore faut-il mettre en place un cadre de société qui rende les alternatives possibles : rénovation et isolation thermique, redensification urbaine et commerces de proximité, relocalisation et circuits courts, accès aux transports collectifs… Tout le contraire là aussi de ce qu’on voit aujourd’hui, avec la privatisation d’entreprises qui jouent pourtant un rôle social et écologique essentiel : EDF, la Poste, la SNCF…
Je pense donc que l’écologie politique, en remettant l’intérêt général au premier plan, permet aussi de réaffirmer le rôle de l’État et des services publics. Car seule la collectivité et la sphère publique peuvent gérer ce défi de manière volontariste, démocratique, et sur le long terme.
Reprenons l’exemple du climat et de l’énergie. Réduire les émissions de gaz à effet de serre, mais aussi sortir du nucléaire et anticiper la fin du tout pétrole, par exemple, ça ne se fera pas du jour au lendemain. Et ça se planifie. Alors il va bien falloir dresser un état des lieux sérieux de la situation, organiser un grand débat public sur les objectifs à atteindre et les programmes à mettre en place pour y arriver, faire travailler ensemble syndicats, chercheurs, associations et citoyens… Planifier tout ça dans le temps et assurer le suivi de la mise en œuvre, avec des étapes et des bilans intermédiaires, car on ne peut pas exclure que certaines voies se révèlent des impasses… C’est ce processus démocratique que nous appelons au PG la planification écologique.
Ce mot semble parfois faire peur, alors clarifions tout de suite quelques points… Non, nous ne voulons pas revenir au centralisme étatique autoritaire pratiqué en Union Soviétique ! Mais oui, nous revendiquons l’importance du rôle de l’État et des services publics. Ils sont certes à réinventer, notamment par une profonde réforme institutionnelle (la 6e république, oui !) et les moyens démocratiques d’une nouvelle implication populaire, sans laquelle la planification écologique ne pourra pas se mettre en place. Mais ils restent indispensables pour planifier la rupture, construire un cadre de société émancipateur et garantir l’égalité d’accès aux droits fondamentaux pour tous, partout.
Alors oui, il y a des prises de conscience individuelles à déclencher, des alternatives concrètes à expérimenter. Mais on a aussi besoin du débouché politique et institutionnel. Pour donner à tous les moyens de vivre mieux, pour soi, avec les autres, et dans le respect des eco-systèmes. Parce que parler d’écologie, c’est finalement parler de droits fondamentaux, de biens communs, d’égalité, de solidarité et d’intérêt général… Alors que certains voudraient nous faire croire qu’il n’y a plus de clivage gauche – droite, et dans le contexte de crise de légitimité des partis et de la démocratie représentative qu’on a vu avec l’abstention aux européennes, qu’on voit aussi, d’une certaine manière, avec les travailleurs en lutte, il est urgent de renouveler les pratiques politiques mais aussi de montrer qu’il existe une gauche forte, qui ne se résigne pas, capable de rassembler sur un projet de société radicalement différent ! C’est tout le sens du rassemblement de l’autre gauche que nous essayons, au PG, de mettre en place. Pour une convergence qui permette la mise en œuvre, enfin !, d’une véritable alternative de dépassement du capitalisme et du productivisme. Vers une transformation radicale et ambitieuse, sociale et écologique.
J’aimerais enfin apporter en contribution :
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la réponse apportée par le PG à la lettre ouverte des OC jointe en annexe du billet, disponible sur le site reporterre
- Le compte-rendu de notre toute première rencontre avec le Mouvent des Objecteurs de Croissance (MOC), et le Parti Pour la Décroissance (PPLD) sur le site du Parti de Gauche (PG)
- … Et mes propres réflexions sur les débats de Notre Dame des Landes, à lire sur mon blog
Au plaisir de poursuivre l’échange ;)
Amitiés. Corinne Morel Darleux
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la réponse apportée par le PG à la lettre ouverte des OC jointe en annexe du billet, disponible sur le site reporterre
- ' ' · 08 October 2009, 14h27
-
On peut aussi se poser des questions sur une autre tendance qui se dessine, portée par la problématique du développement durable, et qui ne paraît pas loin de transformer la démocratie en technologie de gouvernement : http://yannickrumpala.wordpress.com…
- VD · 10 November 2009, 21h47
-
@’ ‘ : Mais le développement durable, ça n’existe pas. L’unique terme à employer est “objection de croissance”.
- ' ' · 11 November 2009, 09h49
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Les deux sont analysés sur le même blog. Voir http://yannickrumpala.wordpress.com… et http://yannickrumpala.wordpress.com…