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TCE 2007 : Traité Compliqué Européen

Qu’on l’ait appelé “mini-traité” puis “traité sim­pli­fié” (TSE) ou qu’on l’appelle main­te­nant “traité modi­fi­ca­tif” (TME) - cette der­nière appel­la­tion étant plus pro­che de la réa­lité - le Traité de Lis­bonne est un nou­veau TCE (Traité Cons­ti­tu­tion­nel Euro­péen en 2005) qu’il con­vien­drait de rebap­ti­ser Traité Com­pli­qué Euro­péen dans sa ver­sion 2007.

Rap­pe­lons dès main­te­nant que le 4 février pro­chain (2008), les séna­teurs et les dépu­tés vont se réu­nir en Con­grès à Ver­sailles afin de pro­cé­der à la modi­fi­ca­tion ou pas de la cons­ti­tu­tion Fran­çaise, modi­fi­ca­tion indis­pen­sa­ble pour que le Traité de Lis­bonne soit par la suite rati­fié, dans la fou­lée, à la sim­ple majo­rité du sénat et de l’assem­blée natio­nale. Autant dire que dès les tout pre­miers jours de février, soit dans 34 jours exac­te­ment nous serons avi­sés, bien avant le vote de la loi rati­fiant le traité par un par­le­ment tout acquis au gou­ver­ne­ment en charge des res­pon­sa­bi­li­tés. Expli­ca­tions.

Que se pro­pose de faire au juste le Traité de Lis­bonne modi­fiant le traité sur l’Union euro­péenne et le traité ins­ti­tuant la Com­mu­nauté euro­péenne ? Une chose tout à fait sim­ple : repren­dre autre­ment le con­tenu du TCE refusé en 2005 par les fran­çais et les hol­lan­dais, en chan­ger et le titre et la for­mu­la­tion de telle sorte que l’on par­vienne à ce que tous les pays de l’Union le signe (gou­ver­ne­ment) puis le rati­fie (les peu­ples ou leurs repré­sen­tants) en évi­tant par­tout où c’est pos­si­ble d’en pas­ser par un réfé­ren­dum. Voyons com­ment.

1) Le TCE 2005 est jeté aux oubliet­tes pure­ment et sim­ple­ment pour être recy­clé, le plus sou­vent mot à mot, dans les deux trai­tés (TUE & TFUE) qu’amende le Traité de Lis­bonne/modi­fi­ca­tif. Mais pas seu­le­ment, au pas­sage, un cer­tai­nes modi­fi­ca­tions sont nota­bles. Nous n’en ferons pas ici le détail mais on peut rete­nir que les aspects “cons­ti­tu­tion­nels” qu’il con­te­nait qui déplai­saient for­te­ment aux natio­na­lis­tes et aux sou­ve­rai­nis­tes de gau­che et de droite, dis­pa­rais­sent dans la bataille.

Pour le reste, on ne change rien dixit Valé­rie Gis­card d’Estaing (LE MONDE | 26.10.07 | 14h28  ‚Ä¢  Mis à jour le 06.11.07 | 11h33). Extraits :

  1. La dif­fé­rence porte davan­tage sur la méthode que sur le con­tenu
  2. Pour le traité de Lis­bonne, ce sont les juris­tes du Con­seil qui ont été char­gés de rédi­ger le texte. (…) Ils ont repris la voie clas­si­que sui­vie par les ins­ti­tu­tions bruxel­loi­ses, qui con­siste à modi­fier les trai­tés anté­rieurs par voie d’amen­de­ments : le traité de Lis­bonne se situe exac­te­ment dans la ligne des trai­tés d’Amster­dam et de Nice, igno­rés du grand public.
  3. Les juris­tes n’ont pas pro­posé d’inno­va­tions. Ils sont par­tis du texte du traité cons­ti­tu­tion­nel, dont ils ont fait écla­ter les élé­ments, un par un, en les ren­voyant, par voie d’amen­de­ments aux deux trai­tés exis­tants de Rome (1957) et de Maas­tricht (1992). Le traité de Lis­bonne se pré­sente ainsi comme un cata­lo­gue d’amen­de­ments aux trai­tés anté­rieurs. Il est illi­si­ble pour les citoyens, qui doi­vent cons­tam­ment se repor­ter aux tex­tes des trai­tés de Rome et de Maas­tricht, aux­quels s’appli­quent ces amen­de­ments. Voilà pour la forme.

2) On y sub­sti­tue un traité dit sim­pli­fié (on verra que ce n’est pas le cas) qui a pour objec­tif de modi­fier deux trai­tés majeurs dans l’his­toire de l’Europe telle qu’elle a été vou­lue par ses pères fon­da­teurs et tel­les qu’elles fonc­tion­nent encore aujourd’hui :
  • Le Traité sur le Fonc­tion­ne­ment de l’Union Euro­péenne (TFUE) issu du Traité de Rome (1957) ou Traité ins­ti­tuant la Com­mu­nauté éco­no­mi­que euro­péenne (CEE) con­so­lidé le 24 décem­bre 2002 pour deve­nir Traité ins­ti­tuant la Com­mu­nauté Euro­péenne (CE). Offi­ciel­le­ment, après le traité de Maas­tricht, la CEE devient la Com­mu­nauté euro­péenne, expri­mant la volonté des États mem­bres d’élar­gir à des domai­nes non éco­no­mi­ques les com­pé­ten­ces com­mu­nau­tai­res.
  • Le Traité sur l’Union euro­péenne (TUE) ou Traité de Maas­tricht qui est le traité cons­ti­tu­tif de l’Union euro­péenne

En résumé, il s’agit d’ins­crire le con­tenu du TCE 2005 dans celui des tex­tes fon­da­teurs au béné­fice d’une traité modi­fi­ca­tif dont on ne peut que se ren­dre compte qu’il est abso­lu­ment com­pli­qué. Ainsi rendu illi­si­ble à moins d’être un spé­cia­liste, il devient qua­si­ment impos­si­ble de s’en empa­rer afin de se faire un avis sur le con­tenu. On peut cepen­dant en dire quel­ques mots qui tom­bent sous le sens.

Où est passé le demos ?

En 2005, la Con­ven­tion Gis­card avait fait en sorte que les Peu­ples d’Europe soient infor­més, par­ti­cu­liè­re­ment ceux qui devaient être con­sul­tés par réfé­ren­dum. Ainsi, des publi­ca­tions avaient été impri­mées à cet effet et la presse, par­ti­cu­liè­re­ment la presse dite noniste, s’en était lar­ge­ment empa­rée. Cette fois, la con­duite des affai­res se veut bien moins démo­cra­ti­que et on se ris­que­rait à dire qu’elle est bien plu­tôt opa­que, très opa­que. Cons­ta­tons tout de même qu’à un mois de la réu­nion du Con­grès à Ver­sailles, aucun débat n’est orga­nisé dans les médias sur cette ques­tion.

En effet, il n’existe pas de ver­sion con­so­li­dée (voir plus bas) offi­cielle des trai­tés modi­fiés par le TME. Il faut retrous­ser ses man­ches et fure­ter sur la Toile pour trou­ver deux ver­sions offi­cieu­ses, la pre­mière réa­li­sée par l’Ins­ti­tut d’étu­des euro­péen­nes de l’Uni­ver­sité libre (publi­que) de Bruxel­les, l’autre par la com­mis­sion des Affai­res étran­gè­res de l’Assem­blées natio­nale. Est ce bien nor­mal ? Est ce bien res­pec­tueux des peu­ples et de la démo­cra­tie en Europe ?

Mini ?

En lieu et place d’un “mini” traité, nous ver­rons qu’en réa­lité, il fait le maxi­mum et bien plus encore grâce à un docu­ment com­posé de :
  • un préam­bule de 2 pages;
  • un corps prin­ci­pal de texte, 152 pages;
  • 13 pro­to­co­les addi­tion­nels, 77 pages;
  • 68 décla­ra­tions, 28 pages.

Total : 259 pages !


Sim­pli­fié ?

Pre­nons au hasard un arti­cle du TCE ver­sion 2007, en l’occur­rence le point 31 d’un pre­mier arti­cle qui fait à lui seul 31 pages décom­po­sées en 61 points (source) :

L’arti­cle 14 [du TUE] est modi­fié comme suit:

a) au para­gra­phe 1, les deux pre­miè­res phra­ses sont rem­pla­cées par la phrase sui­vante:
“Lorsqu’une situa­tion inter­na­tio­nale exige une action opé­ra­tion­nelle de l’Union, le Con­seil adopte les déci­sions néces­sai­res.”;

b) le para­gra­phe 2 devient le deuxième ali­néa du para­gra­phe 1, et les para­gra­phes qui sui­vent sont renu­mé­ro­tés en con­sé­quence. À la pre­mière phrase, les mots “… d’une action com­mune,” sont rem­pla­cés par “… d’une telle déci­sion,” et le mot “action” est rem­placé par “déci­sion”. La der­nière phrase est sup­pri­mée;

c) au para­gra­phe 3 renu­mé­roté 2, les mots “… actions com­mu­nes …” sont rem­pla­cés par “… déci­sions visées au para­gra­phe 1 …”;

d) l’actuel para­gra­phe 4 est sup­primé et les para­gra­phes qui sui­vent sont renu­mé­ro­tés en con­sé­quence; 17.12.2007 FR Jour­nal offi­ciel de l’Union euro­péenne C 306/27

e) au para­gra­phe 5, renu­mé­roté 3, pre­mière phrase, les mots “… en appli­ca­tion d’une action com­mune fait l’objet d’une infor­ma­tion dans des délais per­met­tant,” sont rem­pla­cés par “… en appli­ca­tion d’une déci­sion visée au para­gra­phe 1 fait l’objet d’une infor­ma­tion par l’État mem­bre con­cerné dans des délais per­met­tant …”;

f) au para­gra­phe 6, renu­mé­roté 4, pre­mière phrase, les mots “… à défaut d’une déci­sion du Con­seil,” sont rem­pla­cés par “… à défaut d’une révi­sion de la déci­sion du Con­seil visée au para­gra­phe 1,” et les mots “… de l’action com­mune.” sont rem­pla­cés par “… de ladite déci­sion.”;

g) au para­gra­phe 7, renu­mé­roté 5, pre­mière phrase, les mots “action com­mune” sont rem­pla­cés par “déci­sion visée au pré­sent arti­cle” et, dans la deuxième phrase, le mot “l’action” est rem­placé par “la déci­sion visée au para­gra­phe 1”.

Un pur pro­duit du tra­vail de tri­po­tage juri­di­que que seul des con­seils juri­di­ques sont à même d’effec­tuer. Autre­ment dit, si vous n’avez pas le TUE et le TME en main il est impos­si­ble de com­pren­dre l’ensem­ble du texte d’autant plus qu’il n’existe à ce jour pas de TME con­so­lidé c’est à dire un traité qui serait le résul­tat du tra­vail de modi­fi­ca­tion des TUE et TFUE. On se demande com­ment nos dépu­tés et séna­teurs vont pou­voir voter en cons­cience la rati­fi­ca­tion de ce traité alors qu’ils vont devoir se pro­non­cer en lieu et place des citoyens.

Com­pli­quer… mais pour quoi faire ?

Alors que les 54% de NON du 29 mai 2005 sont encore dans tous les esprits, en Europe et dans bien des endroits du monde, l’évi­dence est que la classe diri­geante de France et d’Europe a déli­bé­ré­ment décidé cette fois de ne pren­dre aucun ris­que quitte à mal trai­ter les prin­ci­pes démo­cra­ti­ques les plus élé­men­tai­res. À croire que les prin­ci­pes de la gou­ver­nance moderne con­sis­tent à s’éman­ci­per sans aucun com­plexe des élec­teurs, entre deux élec­tions !

De ce point de vue, il est de pre­mière impor­tance de prê­ter la plus grande atten­tion au trai­te­ment qui est réservé par le TME aux ser­vi­ces publics mais aussi et sur­tout à la Charte des Droits Fon­da­men­taux. Si le pre­mier objec­tif du texte modi­fié demeure le “bien-être de ses peu­ples”, on remar­quera que désor­mais, au con­traire du TCE 2005, l’ex Traité de Rome devenu Traité sur l’Union Euro­péenne (cf. TUE con­so­lidé par l’IEE) s’ins­pire “des héri­ta­ges cul­tu­rels, reli­gieux et huma­nis­tes de l’Europe” (in TUE con­so­lidé, page 2). L’intro­duc­tion ici subrep­tice du reli­gieux fait écho à bien des actua­li­tés main­te­nant ancien­nes pour ce qui regarde la Polo­gne dans ses rap­ports à l’Europe et plus récen­tes si l’on a bien voulu sui­vre celle du Pré­si­dent de la Répu­bli­que Fran­çaise et ses décla­ra­tions après sa visite au Pape [et le “dis­cours du Latran”].

Nous y revien­drons peut-être mais un tra­vail reste à faire que nous ne ferons pas ici. Même si le temps man­que cruel­le­ment dans cette affaire, il est donné à tout le monde d’y appor­ter sa con­tri­bu­tion à par­tir des docu­ments que nous met­tons ici à votre dis­po­si­tion et qui faci­li­te­ront gran­de­ment vos démar­ches.

Cepen­dant et pour finir, en voici deux qui aide­ront cha­cun à dépas­ser au plus vite la dif­fi­culté en vue du Con­grès de Ver­sailles (4 février) et des élec­tions muni­ci­pa­les de mars 2008 :

  1. L’ana­lyse de Robert Jou­mard  (pdf) et son tableau de cor­res­pon­dance entre le TCE et le TME (pdf) mis à dis­po­si­tion par Etienne Chouard
  2. La con­fé­rence de Raoul-Marc Jen­nar du 07-01-08 à Lille : écou­ter (mp3)




Réfé­ren­ces :

Les ana­ly­ses :

  1. 10 idées faus­ses sur le Traité (Poli­tis)
  2. Traité modi­fi­ca­tif euro­péen : une copie du TCE (Attac France, Attac Europe)
  3. Nou­veau traité euro­péen : argu­ments pour le réfé­ren­dum (Fon­da­tion Coper­nic /Yves Salesse)
  4. Tout ce que vous avez tou­jours voulu savoir sur le traité “sim­pli­fié” (http://www.traite-sim­pli­fie.org/)
  5. Non à cette Europe-là, le 4 février comme le 29 mai par Raoul Marc Jen­nar (Netoyens.info)
  6. Signer la péti­tion lan­cée par le Comité Natio­nal pour un Réfé­ren­dum (CNR) : www.nous­vou­lon­sun­re­fe­ren­dum.eu
  7. Publi­ca­tions de l’Ins­ti­tut d’étu­des euro­péen­nes de l’Uni­ver­sité libre (publi­que) de Bruxel­les
  8. Rap­port d’infor­ma­tion de la com­mis­sion des Affai­res étran­gè­res de l’Assem­blées natio­nale
  9. La boîte à outils du traité de Lis­bonne, par Valéry Gis­card d’Estaing (Le Monde) - (Netoyens.info)

Les trai­tés :


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Éric Jousse

Author: Éric Jousse

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